lundi 28 novembre 2011

Critique littéraire : La Germanie de Tacite

Tacite était un historien romain. Vers 100 après J.C, il a écrit un petit traité sur les peuples germaniques, vivant pour la plupart hors des frontières de l’empire Romain.

Il s’agit d’une mosaïque de peuplades et de tribus, possédant des caractéristiques parfois fort différentes. Néanmoins, on peut dégager quelques traits communs aux Germains : ils sont pauvres, libres, guerriers pillards, chasseurs, peu travailleurs. Tacite affirme qu’ils pratiquent peu l’agriculture, laissée aux soins des femmes et vieillards.

En fait, Tacite est à la fois fasciné par la noblesse de certaines de leurs mœurs (hospitalité, liberté, monogamie) et dégoûté par d’autres aspects (indigence extrême, intempérance, sacrifices humains religieux).

Leur mode de vie est semblable à celui de certains peuples du néolithique de l’Âge de Fer : semi-nomades, chasseurs, pillards (la paix est synonyme d’oisiveté), paysans à l’occasion, éleveurs de troupeaux parfois.

Pour l’anecdote, Tacite décrit même une tribu de chasseurs-cueilleurs issue du paléolithique : ils ne possèdent aucun objet sauf peaux de bête et arcs dont les pointes de flèches sont en os.

L’historien insiste sur les redoutables qualités guerrières des Germains, rappelant les maintes défaites qu’ils ont infligées aux puissantes légions romaines.

À la lecture de l’ouvrage, on arrive à la même conclusion que César dans La Guerre des Gaules, 150 ans plus tôt : les Germains sont inassimilables à l’empire Romain, car ils ne produisent pas de richesses susceptibles de payer l’impôt et d’apporter une valeur ajoutée à l’empire.



Disponible en ebook gratuit :

 

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vendredi 25 novembre 2011

L’impasse afghane de G. Chaliand

      Titre : L’impasse afghane

Auteur : Gérard Chaliand

Éditeur : éditions de l’Aube

Date de parution : mai 2011
 

Selon Wikipédia, Gérard Chaliand, né en 1934, est spécialiste de l'étude des conflits armés et des relations internationales et stratégiques. Ses axes de recherche concernent essentiellement les conflits irréguliers (guérilla, terrorisme) dont il est devenu l'un des plus éminents spécialistes et théoricien mondial.

Après cette introduction dithyrambique de Wikipédia, passant au livre. Ce court essai lucide se propose d’expliquer pourquoi l’Afghanistan est un bourbier pour la Coalition, sans espoir de vaincre les talibans.

L’auteur commence par analyser avec pertinence pourquoi au XIXème siècle les guerres coloniales réussissaient là où, de nos jours, les conflits néo-coloniaux (Vietnam, Irak, Afghanistan) sont un fiasco cuisant.

L’auteur rappelle, à juste titre, que le terrorisme est un phénomène certes très médiatique et psychologiquement important, mais secondaire stratégiquement. Il est grand temps de s’affranchir de la propagande initiée par l’administration Bush et de prendre la mesure d’un phénomène qui ne peut rien changer au statu quo mondial.

Les raisons de l’échec sont nombreuses. La première et plus importante est, selon l’auteur, le gouvernement du président afghan Karzai. Corrompu jusqu’à la moelle, réélu à la manière d’une république bananière, il ne fait presque rien pour le peuple. Il est si décrédibilisé qu’il constitue de fait une raison pour les Afghans de rejoindre les forces talibanes. On se demande au passage pourquoi les Américains ne remplacent pas cet épouvantail.

L’armée afghane est mal équipée, peu motivée et souffre de désertions massives. Elle est encore loin d’être capable de prendre le relais de la coalition. La police est très corrompue mais c’est naturel : compte tenu de son salaire trop faible, elle est obligée de rançonner la population pour vivre.

Concernant les soldats de la coalition, leurs faiblesses sont nombreuses. Pour éviter les pertes humaines, on a recours aux frappes aériennes qui font des victimes civiles et liguent la population contre eux. Ensuite, l’auteur mentionne le thème classique mais juste de la civilisation qui amollit, du confort qui affaiblit : les talibans, pauvres et frugaux, confortés par leurs idéaux messianiques, ont une capacité à endurer, à supporter la souffrance et à faire preuve de fermeté psychologique bien supérieure à leurs adversaires.

Ayant vu des documentaires sur la vie quotidienne des soldats occidentaux, j’appuie l’analyse de G. Chaliand : ils sont là pour 6 mois, enfermés dans leur camp retranché confortable. Ils pratiquent la musculation, surfent sur le net et restent en contact quotidien avec leur famille. Ils ne sortent que pour de rares et dérisoires patrouilles à quelques centaines de mètres de leur bastion assiégé. Pas de véritable contact avec la population, dont on ne connaît ni la langue ni les coutumes. Ils restent entre eux, consomment leurs produits importés et restent psychologiquement en transit. Il y a peu de vrais combattants.

Et les talibans dans tout ça ? Ils ont importé avec succès les méthodes de combat de leurs « frères » d’Irak : attentats-suicides et surtout IED, notamment les mines antipersonnel, responsables du gros des pertes coalisées : un soldat qui marche dessus s’en tire au mieux avec une amputation des deux jambes à mi-cuisse. Les talibans pratiquent aussi des embuscades, parfois en infériorité numérique, toujours en infériorité d’armement.

Avec la population, ils usent de persuasion et de coercition. Les collabos sont exécutés. Les autres sont persuadés de rester au moins dans une neutralité bienveillante. Les talibans rappellent qu’ils viennent délivrer le pays des étrangers infidèles. Leur politique d’asservissement des femmes est en accord avec les traditions des populations rurales. Ce sujet est d’ailleurs un autre écueil de la coalition : il n’est pas bon de heurter de front les traditions ancestrales.

Ils se financent avec l’argent de la drogue florissante, qu’aucun camp ne souhaite ou peut éradiquer. Ils ont mis au point un système de prime pour motiver leurs troupes : les têtes de leurs ennemis (soldats étrangers, soldats afghans, collabos interprètes…) sont mises à prix.

L’auteur prétend que les services pakistanais aident les talibans. Je ne le rejoins pas sur ce point, car le Pakistan combat durement les talibans pakistanais. Le pays a d’ailleurs perdu plus de soldats que l’ensemble de la coalition. Il parait difficile d’armer les uns tout en combattant les autres alors les deux « espèces » de talibans sont en contact…

Avec raison, l’auteur affirme qu’il faut prendre garde à la propagande de son propre camp. Je ne serais pas surpris que le mythe de l’aide pakistanaise a été inventé pour justifier les échecs de la coalition… On a souvent besoin d’un bouc émissaire.

En conclusion, un essai passionnant qui permet d’y voir clair sur le pot de pus afghan.



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mercredi 23 novembre 2011

Lordius citoyen d’honneur de Yumington !

     De notre correspondant permanent à Yumington, Mick Rhofone. 

Lordius vient d’acquérir la précieuse citoyenneté de la Cité-État de Yumington. Il fait partie des rares personnalités, triées sur le volet, auxquelles cet honneur a été accordé. En effet, le Gouverneur de Yumington n’accorde la citoyenneté qu’au compte-goutte. Pas plus de dix certificats sont octroyés chaque semaine :


« J’ai conscience de faire partie d’une élite. C’est la récompense de mes années d’enquêtes dangereuses et sensationnelles sur le terrain de tous les périls. » nous a déclaré Lordius, le célèbre – et modeste – journaliste d’investigation.


Rappelons que Lordius s’est fait remarquer par le Gouverneur de Yumington à la suite de son retentissant article sur le Waldgänger. Il a frôlé la mort et le prix Pulitzer pour cet exploit. Notre aventurier moderne a bien voulu revenir sur sa prouesse :

« J’ai pris des risques fantastiques pour réaliser cette interview, plus dangereuse qu’un reportage en Afghanistan dans une zone infestée d’insurgés opiomanes et misogynes. Il faut savoir que Blake dit le Waldgänger, à l’époque, ne maîtrisait pas encore ses superpouvoirs. Quand j’ai enquêté sur ses faits et méfaits, le surhomme venait tout juste d’assassiner à mains nues le petit ami de sa propre fille. Alors, quand il s’est mis à parler dans mon micro, vous imaginez mon effroi quant aux possibles dommages collatéraux. »


Un bon journaliste doit toujours vérifier ses sources. Même quand il s’agit d’un collègue. Surtout quand il s’agit de Lordius, journaliste-écrivain célèbre pour sa mythomanie maladive qu’il rebaptise volontiers en créativité.

Vexé de sa mauvaise réputation, mais digne dans la souffrance, Lordius nous a fourni la preuve :



Lordius Lordius, comme Humbert Humbert, le narrateur de la Lolita de Nabokov. En moins détraqué, ou différemment…

lundi 21 novembre 2011

J'arrive, mon amour ! (nouvelle courte)

Bob avait les mains crispées sur les commandes du petit avion de tourisme, un Piper. Il fronça les sourcils tandis qu’il scrutait le tableau de bord. Son jeune et beau visage grimaça d’inquiétude : l’horizon artificiel ne fonctionnait plus ! Il ne pouvait plus guère naviguer aux instruments.
Détachant à regret son regard du tableau de bord défectueux, il reporta son attention sur l’extérieur. Difficile de piloter à vue en pleine montagne par ce temps épouvantable…
Malédiction ! Il n’aurait pas dû partir dans ces conditions météo défavorables. Une goutte de sueur froide perla à son front plissé par la concentration. Il esquissa un faible sourire et haussa ses épaules massives : Bill, son cher ami Bill, l’attendait. Hier soir,  il l’avait appelé et lui avait déclaré sous l'empire d'une envolée lyrique :
— Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la montagne, je partirai !
— Oh oui ! avait répondu Bill. Viens vite, je t’attends.
Ah, la fougue de la jeunesse ! Voilà dans quelle souricière elle l’avait mené… Il risquait de s’écraser en montagne à cause de son impatience.
Bill… Ils avaient fait les 400 coups ensemble pendant la guerre. Depuis, il n’était plus le même. Les femmes ne l’intéressaient plus vraiment. Elles lui semblaient fades, insignifiantes à côté du brillant et dynamique Bill. Sa fraîcheur de corps et d’esprit, et… Oui ! sa beauté même l’attirait.
Il rougit et jura. La honte le submergea. Bob était juif. Or le Dieu de la Bible, de l’Ancien Testament, était homophobe. Il exigeait la peine de mort pour l’échange de plaisirs entre hommes. Bah… Au diable la religion aliénante et les traditions arriérées ! pensa Bob. Il y avait bien assez d’humains sur Terre de nos jours. Trop même ! Bientôt, l’homosexualité sera recommandée pour raisons écologiques…
À l’heure du péril, il osait enfin voir clair dans son cœur. S’il devait mourir dans ces montagnes, que ce soit dans la franchise et la vérité ! L’urgence l’aiguillonnait.
Il aimait Bill. Il aimait son caractère, leurs loisirs communs qu’aucune cruche de femelle ne pourrait lui apporter, et puis aussi… Oui ! Le brouillard des cieux chassait celui de son cœur : il aimait le beau corps mince et musclé de son ancien compagnon d’armes. Sa vigueur qui… Oui ! Il s’avoua enfin que la vigueur virile de Bill promettait de lui donner un plaisir nouveau. Il avait toujours soif de nouveaux horizons et de découvertes. La douceur de Bill, aussi, touchait l’âme de Bob. Il voyait Bill à la fois comme un homme et comme une femme, le compagnon idéal.
Au téléphone, il avait bien senti à la voix de Bill que l’amour était réciproque. D’ailleurs, il n’avait jamais vu son ami avec une femme. Il devait brûler d’un désir ardent. À cette pensée, Bob sentit poindre un émoi physique.
Mais ce n’était pas le moment de rêvasser, que diable ! Il devait se concentrer sur le délicat pilotage. Il devait vivre. Pour Bill ! Pour leur couple à venir. Oui ! Ils allaient vivre la plus ardente histoire d’amour depuis Achille et Patrocle, Alexandre et Héphaïston, Simon et Garfunkel, tous ces couples flamboyants et immortels qui sont à des années-lumière des médiocres couples hétéros pourtant si nombreux.
L’homme et la femme ne se comprennent pas. Ils sont trop différents. Ils s’assemblent, péniblement, pour de sordides nécessités de perpétuation de l’espèce.
Tandis que deux hommes sont sur la même longueur d’onde ; la même longueur d’homme ! Surtout deux hommes jeunes qui ont fait la guerre ensemble, soudés comme les antiques guerriers spartiates. Deux hommes qui ont tué l’un pour l’autre. Quel couple hétéro peut connaitre cette extase, cette connivence, ce lien unique ? Tuer pour sauver, puis être à son tour secouru par le bras puissant de l’être aimé.
Ô Bill ! J’arrive, mon amour ! hurla-t-il intérieurement.
La tension physiologique devint insupportable, avivée par le frisson du risque, le danger de mort, comme à la guerre.
Bob jura tandis qu’il inclinait l’avion in extremis pour éviter une crête rocheuse. S’il s’en sortait, ce serait un signe. Le signe de l’amour ! Ses larges épaules nouées lui faisaient mal. Sa formidable poitrine était serrée par l’angoisse et le stress du pilotage.
Enfin la vallée ! Il éclata de rire pour libérer la tension nerveuse et se trémoussa pour tenter de diminuer celle de son bassin. Par radio, il demanda et obtint l’autorisation d’atterrir sur le petit aéroport.
Il retint son souffle au moment de poser les roues du coucou sur la piste : sans horizon artificiel, c’était chaud les marrons, comme disait Bill ! Mais il en avait vu d’autres à la guerre. Il avait fait preuve de courage à l’épreuve du feu. Saurait-il avoir l’audace de déclarer sa flamme ?
Ouf ! Il a réussi à atterrir. Il consulte sa montre : 30 minutes d’avance. Il a speedé à cause de la tempête. Bill sera-t-il à l’aéroport, à l’attendre ? Comme il est en avance, il va lui faire la surprise ! Un instant, il songe à lui offrir des fleurs. Mais non, voyons, cela ne se fait pas entre hommes !
Son cœur bat la chamade. Son cœur d’amoureux transi. Et si Bill le repousse ? Son cœur accélère encore, mais d’angoisse à présent, tandis que son émoi physique s’estompe. Non ! Cela ne se peut !
Vite, il quitte l’avion et il court jusqu’à la salle d’attente du petit aérogare. Bill est déjà là ! Il devait être tellement impatient qu’il est arrivé en avance. C’est bon signe !
Bill ne le voit pas à travers la vitre. Bob ressent l’envie de hurler son amour mais sa pudeur le retient. Soudain, il s’aperçoit que Bill parle avec un homme. Tiens, curieux... C’est alors que Bob a l’impression de prendre un formidable coup sur le crâne. Il titube, se retient de hurler sa douleur. L’inconnu serre brièvement la main de Bill en riant. La complicité entre les deux hommes n’échappe pas à la sagacité amère de Bob : ils sont amants !
Des larmes coulent sur ses joues. Il les essuie, secoue la tête avec dignité, comme un boxeur sonné qui s’accroche à la station verticale.
Quel crétin naïf ! Il s’est fait un film, comme un pitoyable héros de romance pour femelle…
Choqué, désemparé,  il va faire demi-tour. Mais Bill l’a vu ! Il lui fait signe. Alors, stoïque, le visage défait, il respire profondément et s’avance dans l’arène pour se faire déchiqueter par le lion de l’amour cruel et perfide.
— Mon pauvre Bob ! Tu en fais une tête !
— Oui… Euh… J’ai essuyé une tempête et mes instruments ont lâché…
— Ah ! Quelle joie de te voir sain et sauf, commandant !
C’est une vieille blague entre eux. Bill l’appelle commandant en souvenir de son grade pendant la guerre et Bob alors rétorque que c’est du passé. Mais cette fois, Bob reste silencieux.
— Prince des cieux, reprend Bill, je te présente quelqu’un qui brûlait de faire ta connaissance. Je lui ai tant parlé de toi, mon cher Bob.
Bob ne répond rien. Sa gorge est nouée. Sa volonté est tendue pour réfréner les larmes. Quelle pitié, pour un vétéran de la guerre, couvert de médailles militaires ensanglantées…
— C’est mon frère John !
Bob relève la tête, comme en transe. Il ne dit rien. Il prend Bill dans ses bras et l’embrasse sur la bouche.


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jeudi 17 novembre 2011

Critique littéraire : Les Américanoïaques de Rezvani



Né en 1928, Serge Rezvani est un artiste complet. Peintre, écrivain (romans et pièces de théâtre), auteur-compositeur de chansons. C’est lui qui a écrit pour Jeanne Moreau « Le tourbillon de la vie » et « J’ai la mémoire qui flanche ».
« Les Américanoïaques », publié en 1970, est une nouvelle burlesque, une délicieuse farce. Un couple de vieux clochards poivrots liquident à Cannes des marins américains à coups de bouteille, de « chopine ». Le style est délicieusement argotique. C’était l’âge de gloire de l’argot « littéraire » sous la férule du maître, San-Antonio et son Dard.
Rezvani a un talent humoristique sans égal, qu’il exprime merveilleusement dans la première partie. La seconde partie, plus sombre, se mue en satire politique et sociale, frôlant même le conte philosophique.
Comme son nom l’indique, l’œuvre est profondément américanophobe. Cependant, il doit être compris dans son contexte, la guerre du Vietnam.
Rezvani a indiqué qu’il n’écrirait plus un tel « pamphlet ». Mais sa déclaration date de l’an 2000, juste avant les invasions américaines d’Irak et d’Afghanistan…
Un texte à lire pour sa verve, son style exceptionnel, son humour vitriolique.

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lundi 14 novembre 2011

Roman marquant : Terre des Hommes de Saint-Exupéry

Ah, Saint-Exupéry, dit Saint-Ex ! Le plus grand ambassadeur de la littérature française. Son chant du cygne, Le Petit Prince (1943) s’est vendu à plus de 130 millions d’exemplaires à travers le monde. Qui arrive en second ? Loin, loin derrière, La Peste de Camus avec 12 millions. Dans le monde, s’il y a un seul livre français que les gens ont une petite chance d’avoir lu, c’est Le Petit Prince. 
Peu après l’achèvement de son conte philosophie et poétique, Saint-Ex a tiré sa révérence en 1944. Il s’est très vraisemblablement suicidé en jetant son avion dans l’eau à grande vitesse à la verticale.
Mais parlons de « Terre des Hommes », publié en 1939. Dans cette œuvre autobiographique, l’auteur rend hommage aux pionniers de l’aviation française, les mythiques Mermoz et Guillaumet qui furent ses amis.
Saint-Ex raconte ses rencontres aériennes avec la terre, et terrestres mais aussi affectives avec les hommes. Les récits sont l’occasion pour l’auteur de nous faire partager sa vision sur de nombreux thèmes philosophiques : l’argent, la mort, l’héroïsme, la liberté, l’amour, le progrès, la vie citadine sédentaire (qu’il a en horreur) comparée à la vie en communion avec la nature, la terre. Saint-Ex philosophe ainsi sur la condition humaine, avec en toile de fond, son humanisme fervent.
Plusieurs passages de cette œuvre sont restés célèbres. « Ce que j’ai fait, je te le jure, aucune bête ne l’aurait fait. » :  Guillaumet à Saint-Ex, juste après son sauvetage miraculeux dans les Andes. Et aussi la tirade finale sur « Mozart qu’on assassine ».
Une œuvre profonde, touchante, marquante, philosophique. Un grand classique du XXème siècle.
Ce roman est dans le domaine public au Canada. Pour la France, il faut patienter…


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jeudi 10 novembre 2011

Nouvelle courte : Le dernier match

            L’arbitre s’apprête à donner le signal de jeu, le snap. La foule hurle. Ma tête va exploser. C’est le coup que j’ai pris tout à l’heure. Toute réflexion m’est douloureuse. Il faut pourtant que j’annonce à l’équipe la tactique de jeu.
            Mon esprit est scotché par le score : 20-25, 20-25, 5 de moins… On a 20 secondes pour marquer un touchdown, un essai. Le gros lot ou la dérouillée.
            — Yellow, Red, two ! hurlé-je le code en grimaçant.
            Feinte de passe et jeu au sol.
            Non, c’est con comme idée. Trop tard. Si seulement j’arrivais à réfléchir. C’est le rôle du coach, normalement. Mais avec le coup sur le crâne que j’ai encaissé, je me rappelle plus ses instructions. Bah, qu’il aille au diable. JE suis la tête pensante de l’équipe. Le quaterback est l’âme du jeu. D’un bref regard, j’embrasse l’équipe sur le banc de touche. Debout à la limite du terrain, un vieux gros se trémousse, sur le point de manger sa cravate saugrenue. Sacré Coach, pile électrique hurlante, pantin pitoyable au cœur fragile.
            L’arbitre siffle. Mes wide receivers, ailiers éloignés, s’élancent. Pour de faux, puisque nous feignons. Mais ils font bien semblant. Ils jouent le jeu. Pour moi, ce n’est pas un jeu. C’est très sérieux. Si on gagne ce dernier match, on monte en NFL. La consécration, à mon âge !
            J’esquisse le geste de lancer et je donne discrètement au running back. Mais la défense n’est pas dupe. Elle se rue sur le porteur du ballon.
            Je ne raisonne plus. Seule une intuition venant de mon inconscient, de mon expérience, me traverse. L’instinct ancestral. Prémonition fulgurante ou bourde monumentale ? Moi, le quaterback, je cours derrière mon running back et le précieux joyau qu’il couve. On n’a jamais vu ça, dans aucun cahier de schémas de jeu d’aucun coach. Mais j’emmerde les coachs. Comme j’emmerde ceux qui prétendent que je suis fini.
            Notre running back se transforme en stop down : il est plaqué avec vigueur par deux malabars bardés de muscles d’acier et d’acier grillagé protecteur. Le choc est si fort qu’il lâche le ballon. Fumble, ça s’appelle !
            Mais le vieux Joe est là, en embuscade : son intuition vaut bien la vigueur de la jeunesse. Je récupère le ballon avant l’adversaire. Ouf ! L’arbitre siffle. La foule est en délire. Mes joueurs sont aux anges. C’est mon heure de gloire. Si seulement je pouvais prendre un antalgique… Ma tête… Et mon épaule gauche aussi… Ces fumiers ont tenté de la déboîter. Une chance que je sois droitier.
            Restent 15 secondes, 3 tentatives pour grappiller 8 yards.
            J’ai besoin d’un temps mort. J’en peux plus dans mon corps, dans ma tête. Faut recharger mes munitions intuitives. Mais on a pris tous nos temps morts, gaspillés par ce crétin de coach au gros cul, qui fait rien que me prendre la tête. Oh, ma pauvre tête… Il est trop dans ses schémas théoriques, gras-double. Ce qui compte, c’est l’humain. Et l’intuition.
            Il me fait des signes depuis le banc de touche, frénétique et pathétique vieillard sédentaire. On dirait un parkinsonien en phase terminale. Théoricien autiste. Moi aussi, j’ai envie de lui faire un geste. Mais pas devant les 2000 spectateurs. Et faut penser au moral de mes troupes.
            L’humain… Le jeu… Qui n’en est pas… La gloire… La douleur…
            — Blue, Red, One ! je braille.
            Ce sera une passe. C’est ce que tout le monde attend. C’est pourquoi ça peut marcher. Ou pas… J’aurais besoin de temps pour analyser… Et faire passer la douleur dans ma tête.
            Signal de jeu, indique monsieur l’arbitre. Les linemen se castagnent dur. Les ailiers s’éloignent à toutes jambes. Du coin de l’œil, je vois un joueur adverse se ruer sur moi. Je me débarrasse du ballon trop vite. Passe ratée. Déjà bien qu’il y ait pas eu interception.
3ème essai. Encore 2 chances. Et 12 secondes. Coach est tout rouge. Il va nous faire une apoplexie. Ça nous ferait des vacances. Carnassiers, nos adversaires sourient derrière leur armure faciale. Ils me font des signes moqueurs et menaçants. Ils croient tous que le vieux Joe est bon pour la casse. C’est le score que le vieux Joe va casser ! Montre-leur, Joe. Casse leurs espoirs ! Enflamme la foule et les pom-pom girls.
Merde ! Une douleur déchirante à la poitrine ! J’ai jamais ressenti ça. Dernier match de la saison, heureusement. Ensuite révision générale avant la prochaine saison en NFL. Ah ! La prestigieuse National Football League ! Ou bien la retraite… Non ! Plutôt crever ! Le jeu, c’est ma vie. Sans le foot, j’existe plus. Faut gagner coûte que coûte. Ma volonté est tendue à m’en déchirer le cœur.
Allez, une annonce de couleurs et chiffres, comme au casino :
— Red, Black, three !
D’ailleurs ma tactique est aussi aléatoire que le casino. La raison m’échappe. Reste la souffrance. Et l’instinct.
Passe longue, plus le choix. Les excités d’en face le savent. Ils salivent à la perspective de la curée. Le vieux cerf est blessé, mais il va échapper aux chasseurs. Courage, vieux Joe.
Signal de jeu. Les receveurs filent. Pas UN de démarqué ! Bougez-vous, jeunesse ! Vite ! Ah, voilà ! J’arme le lancer. Choc formidable ! Dans mes côtes. Saqué grave. Au sol. Pas lâché ballon. Monde autour. Plus mal tête. Mal poitrail. Longtemps couché. Soigneurs relèvent cerf. Hurlent un truc. Pige pas. Mais devine. Hoche tête. Apte ! Tenir… Encore un peu…
Dernière tentative. Coach est fâché à mort. À mort… Je donne pas de code cette fois. Tous savent que ce sera un ave maria : passe en profondeur pour couvrir les 40 yards d’un coup. Quitte ou double, comme au casino. Ruiné ou la banque explose.
C’est ma poitrine qui est explosée. Tenir… Ma main tremble. Bonjour la passe précise… C’est cuit. Alors buvons le calice de sueur jusqu’à la lie du sang.
Signal de jeu. Les receveurs foncent. Encore marqués ! Empotés ! Linemen tiennent. Quand même ! Peux pas tout faire ! 40 yards. Énorme ! Une ouverture. Aucun quaterback ne courrait 40 yards. Donc peut marcher ! Fonce, Joe ! 6 secondes !
10 yards : cris adverses. Longs à piger. Gros muscles, petits cerveaux.
20 yards : Un gusse tente plaquage. Je bloque. Du bras gauche. Épaule gauche disloquée. Adrénaline max. Cœur à fond.
30 yards : Vais être pris en sandwich. Accélère. Ma poitrine…
38 yards : Il plonge. Sur moi. Je plonge. En avant. Touchdown ! Plaqué. Poitrine broyée.

Écran noir.

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lundi 7 novembre 2011

Critique littéraire : Une sacrée mamie, vol. 1 (manga)

Scénario : Yoshichi Shimada
            Dessin : Saburo Ishikawa
Date de parution au Japon : 2006. En France : 2009
            « Une sacrée mamie » est tiré d’un roman de Youshichi Shimada vendu à plus de 4 millions d’exemplaires et adapté en série télévisée et au cinéma.
           
            C’est l’histoire d’un enfant dont la maman est si pauvre qu’elle doit le confier à sa mère (la mamie donc) qui vit à la campagne, au Japon, en 1958. La mamie est très pauvre aussi, et la vie est très difficile, mais le garçon s’adapte courageusement. Mais attention ! Quand on dit pauvre à cette époque, ça n’a rien à voir avec les pauvres actuels, chômeurs souvent bedonnants et râleurs. Dans notre société, seuls les SDF connaissent cette pauvreté du Japon de 1958 qui flirte avec la disette : le garçon est obligé parfois de sauter le repas du soir. Et les protéines animales sont un luxe rare.
            À cette époque, il n’y avait pas de congés payés et les gens travaillaient deux fois 35 heures par semaine. Aussi, sa maman a mis une année avant de trouver le temps de passer deux jours avec son jeune fiston. On est à des années-lumière des « aventuriers » pitoyables de Koh-Lanta qui pleurnichent quand ils n’ont pas vu leur progéniture depuis une semaine…
            Le thème principal du manga est la dignité dans la pauvreté. L’enfant apprend qu’il n’est pas honteux d’être pauvre, de s’habiller avec des vêtements reprisés et de ne pas pouvoir pratiquer les sports à la mode (judo, kendo) par manque d’argent.
            Un autre thème est la solidarité campagnarde. La mamie, pourtant très démunie, donne parfois de la nourriture à une famille qui en a encore plus besoin. À l’école, il n’y a pas de méchant élève pour pourrir la vie du héros, comme c’est souvent le cas dans les romans de jeunesse afin de créer une tension, un conflit. Inutile ici, car le grand ennemi est la misère.
            On manque de tout, sauf de joie. Jamais l’histoire ne sombre dans la mièvrerie mélodramatique. Les personnages, suivant l’exemple de la mamie, sont heureux de vivre dans l’adversité, là où chez nous, qui croyons que tout nous est dû, une telle situation déclencherait des émeutes contre la faim et une grève générale, pas seulement chez les fonctionnaires.
            Le dessin offre une grande expressivité des visages des personnages. Mais assez écrit, place aux illustrations :





           
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vendredi 4 novembre 2011

Critique littéraire : Le Waldgänger de J. Balek

Titre : Le Waldgänger – Épisode 1
            Auteur : Jeff Balek
            Genre : Roman-feuilleton Fantastique (avec une dose de thriller)
            Éditeur : Numeriklivres
            Format : ebook
            Prix : Épisode 1 : gratuit – Épisode 2 : 0.99 €

            E-lu sur Amazon Kindle 3 dans le cadre du Club des Lecteurs Numériques.

            Avant, tout allait bien. Il était tueur professionnel. Mais légal. Autrement dit, soldat de métier. Un jour, en combat, tandis qu’il shootait l’ennemi, il s’est fait shooté la jambe. Alors, adieu les shoots à l’adrénaline ! L’armée n’a que faire des infirmes. Il s’est reconverti dans le civil. Mais suite à un mystérieux et grave accident, il s’est retrouvé à l’hosto, défiguré.
            C’est là qu’il a commencé à se poser des questions. Pourquoi guérissait-il si vite ? Pourquoi ne boitait-il plus ? D’où venait l’accroissement de sa force ? Et puis aussi, il n’arrivait pas à comprendre pourquoi tous ses sens étaient devenus super-aiguisés. Y compris le 6ème. Il arrivait à capter les émotions. C’était pratique mais flippant…
            On rejoint le thème classique mais intéressant des super-héros qui se retrouvent un beau jour avec des super-pouvoirs qu’il leur faut apprendre à maîtriser. Et dans le cas du Waldgänger, l’apprentissage est semé d’embûches sanglantes…
            Le thème est classique donc, mais c’est le cas de la plupart des thèmes. Ce qui compte, c’est la manière dont il est traité, et dans le cas de ce roman, c’est bien amené, bien développé et bien prenant.
            Le style est vivant et alerte. Le rythme est haletant sans être éreintant. J’apprécie le découpage en chapitres courts. En un mot, l’histoire est captivante et c’est bien le plus important !
            Mais au fait, c’est quoi, un Waldgänger ? En allemand, c’est celui qui va dans les bois. Durant le Moyen-âge scandinave, c’était un ermite qui vivait dans les bois, refusant le contact avec l’humanité. La liberté périlleuse. Par extension, c’est un rebelle qui sort des sentiers battus. Par choix ou par nécessité ?

            À propos de choix ou nécessité, grâce à l’émergence du livre numérique (ebook), encore embryonnaire voire larvaire mais qu’on espère voir exploser grâce à Amazon en France, on assiste à l’édition d’une nouvelle race d’auteurs numériques offrant des écrits de qualité pour une bouchée de pain. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère ! Celle des rebelles de l’écriture, des Waldgänger numériques…


 

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mercredi 2 novembre 2011

Nouvelle courte : La genèse d’une star

            L’homme entra d’un pas décidé. Son regard balaya la pièce avec irritation. Où diable était ce petit crétin ? Il faillit laisser échapper un cri de surprise : le jeune était agenouillé dans un coin, les yeux clos, les mains jointes. Il marmonnait. L’homme donna un coup de talon sec sur le sol.
            — Que dites-vous, jeune homme ?
            — L’occident chrétien est mort, faute de croyants. De même, la guerre va s’arrêter faute de combattants.
            L’homme fronça les sourcils. Il décida d’opter pour la diplomatie. Dans un premier temps…
            — Cela ne vous empêche pas d’adorer Dieu, répondit-il d’une voix douce, si c’est votre conviction. Mais restez discret. Nos dirigeants sont athées.
            — Pire ! Ce sont d’infâmes païens ! Pourtant, ils inscrivent sur leur ceinturon « Dieu est avec nous ». Les sots ! Ils ne pourront jamais gagner la guerre sans l’aide du Seigneur…
            L’homme en uniforme se caresse le menton, pensif. Il va lui falloir biaiser pour convaincre ce freluquet dogmatique et fanatique.
            — Jamais ils n’y arriveront ! aboie l’adolescent, toujours à genoux dans son coin.
Il se met à ricaner nerveusement. Les bottes du soldat martèlent le sol. Leur propriétaire s’approche, tend sa main gantée et aide le dévot à se relever. Il vrille son regard dans celui de l’adolescent pour y déceler la conduite à tenir. Son poing gauche se crispe, comme pour maîtriser une forte émotion. Impatience, colère, frustration, envie de meurtre… Son âme est ravagée par les pulsions destructrices mais son beau visage d’ange aryen reste impassible. Il parvient même à esquisser un demi-sourire.
— En effet, mon jeune ami, elle est perdue. À moins d’un miracle. Il faudrait, comme vous dites, que Dieu nous vienne en aide.
— Jamais ! crache derechef le jeune homme. Jamais Il n’écoutera les infidèles que nous sommes… Notre peuple est proscrit ! Maudit ! Nous devons porter notre croix !
— Pour attirer l’attention du Seigneur, il faut un acte de foi ! Nous devons frapper fort !
— Prier fort, vous voulez dire, Herr Hauptmann ?
Le capitaine soupire et secoue la tête comme s’il avait affaire à un arriéré mental. C’est lui qui porte sa croix en ce moment… Il reprend d’une voix vibrante :
— À l’heure du péril ultime, quand notre patrie est menacée par l’hydre rouge, le Führer a besoin de tous ses soldats. Même les plus jeunes, même les plus… euh… même les plus mystiques !
— Je suis un soldat du Christ ! hurle le jeune homme. Je refuse d’être embrigadé dans les jeunesses hitlériennes !
Il faut vraiment que nous soyons acculés, songe le capitaine SS, pour tenter de mobiliser des abrutis pareils, des sous-hommes dégénérés qui mériteraient l’euthanasie libératrice. Cette engeance est embrigadée, pour reprendre sa rhétorique, par sa religion passéiste.
Il répond avec le plus de conviction possible :
— La pureté de la race et de la jeunesse des Hitler Jugend peut nous concilier les bonnes grâces du Seigneur et nous aider à négocier une paix séparée avec le Satan Communiste, le Diable Rouge.
— Ah ? C’est vrai que mon âme est pure. J’ai eu une vision récemment grâce à la pénitence et à une volonté de fer. Je crois que… je suis l’ange du Seigneur…
— Oui, oui, renchérit le capitaine en tapotant affectueusement l’épaule du garçon, votre vision est juste, vous commencez à comprendre le rôle que Dieu vous a concocté, dans son infinie grandeur. Tenez, un verre de schnaps. Il vous aidera à élever votre âme. C’est le sang du Christ.
Les deux protagonistes trinquent. Lequel trinquera, in fine ? se demande le capitaine en remplissant de nouveau les verres. Les deux Allemands restent silencieux plusieurs minutes. Le jeune respire bruyamment, ses yeux brillent. Sa mâchoire tremble légèrement.
L’officier ferme les yeux, comme s’il tentait de communier avec l’au-delà. Il essaie en fait de composer un visage exalté. C’est difficile quand le fou-rire guette. Pas maintenant, s’encourage-t-il en pensée. Rira bien qui rira le dernier. In fine
— Je peux vous faire sortir d’ici si vous acceptez d’effectuer le rituel salvateur.
— Rituel ? Zu Befehl ! À vos ordres, mon capitaine !
C’est un garçon qui a besoin de certains mots-clés appartenant à son univers obsessionnel, accompagnés d’une substance propre à le mettre en transe, se dit le capitaine. Un vrai SS ne doit pas se laisser aller à la pitié des faibles. Mais il est si jeune, si malléable encore, pourvu qu’on entre dans son délire de primitif.
— Très bien !  Sehr gut ! Vous prenez le chemin de la rédemption. Votre âme sera sauvée si vous acceptez de risquer votre corps !
Le garçon retombe à genoux. Sa mâchoire tremble de plus belle. Il se met à baver. Le capitaine ne peut s’empêcher une grimace de dégoût.
— Jésus a dit : celui qui perdra sa vie pour moi la gagnera dans l’au-delà ! Sauver mon âme, Ja ! Mon corps mortel et abject, je le sacrifie pour le Christ. Je suis son ange !
— Vous êtes son ange exterminateur ! rugit le capitaine. Celui qui a anéanti Sodome sous un bombardement de pierres ! Vous êtes le bras du Dieu vengeur tout-puissant ! Dieu est avec VOUS !
— Oui, Seigneur… Mon capitaine… Quel est le rituel à accomplir ? Ordonnez et j’obéirai…
— Il faut revenir aux sources, aux rituels bibliques anciens, du temps des Croyants Puissants.
— Oh oui, oui, mon capitaine ! Ach ! Retrouver la pureté et la puissance originelles !
— Sacrifices humains ! hurle le capitaine en levant les bras et les yeux au ciel.
Le garçon, toujours à genoux, glousse. Des larmes de joie ruissellent sur ses joues imberbes. Le capitaine écarquille les yeux : le jeune est en train de s’uriner dessus.
— Dieu vous ordonne d’immoler tous les ennemis soviétiques athées que vous trouverez sur votre glorieux passage. Leur âme est perdue, de toute façon.
Pas de réaction.
— C’est la volonté du Seigneur tout puissant ! rugit le capitaine en tapant du pied. Suis-je bien clair ?
Le jeune homme ne répond pas. Il pleure comme une madeleine. Il semble en transe. Finalement, il acquiesce de la tête.
Gut ! fait le capitaine. Je vous vous faire sortir de ce purgatoire, de cet hôpital psychiatrique. Un grand destin s’ouvre à vous, Herr Ratzinger !


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