mardi 24 avril 2012

Critique littéraire : Le pavillon de l'aile ouest (bande dessinée)

      Scénariste : Sun Jiayu
Dessinatrice : Guo Guo
Éditeur : Xiao Pan
Date de parution : 2007 pour la version française
Genre : Bande dessinée d’amour romantique
 

Cette bande dessinée chinoise est tirée d’une pièce de théâtre qui fait partie des grands classiques anciens chinois, comme Molière ou Racine chez nous. Il s’agit d’une comédie en 16 actes écrite vers 1300 par Wang Shifu. Elle est considérée comme une des plus belles histoires d’amour traditionnelle.

L’action se déroule en Chine sous la dynastie des Tang (618-907). C’est l’histoire d’un jeune homme oisif qui mène une vie de bohème heureuse. Son chemin croise celui d’une jeune fille de bonne famille inaccessible car très belle et surveillée par sa mère.

Mais grâce à sa beauté et son charme bohème, le jeune homme arrive à la séduire.

— J’accepte de te parler : tu es différent des autres, déclare-t-elle. Tu mènes une vie totalement différente de la mienne. N’aspires-tu pas à une vie plus stable ?
— Oui, peut-être un jour. Pour l’heure je m’efforce de faire de chaque jour un moment de joie, comme cet instant présent.

Et là, la jeune fille est séduite. Seulement les obstacles à leur amour sont nombreux : un chef de bande brutal et ignoble rôde et convoite la belle jeune fille. Surtout, elle est promise par sa mère à un homme riche mais terriblement débauché. Arriveront-ils à faire triompher leur propre choix d’un partenaire pour la vie ?

Le dessin est magnifique, particulièrement le rendu des couleurs. Fait assez rare pour être souligné dans l’univers très masculin des bandes dessinées (en tout cas en Occident), c’est une jeune femme chinoise qui réalise ici avec brio sa première BD. On déplorera juste que la plupart des personnages ont des traits européens, une représentation pour le moins saugrenue au fin fond de la Chine ancienne.






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mardi 17 avril 2012

Un jeune homme au cœur pur (2ème et dernière partie)

                    
            À cause du maire et de ma mère, incapables tous deux de passer l’éponge sur d’innocentes peccadilles imputables à un milieu social déshérité, Albert a été traqué par les gendarmes à travers bois. Comme la Force publique peut être vile quand elle s’en prend au pauvre, à l’opprimé ! Mais les forces du mal qu’avait déclenchées le vilain maire nanti se sont retournées contre lui.

            Pourchassé par les médisances, exagérations injustes et persécutions que je viens de te décrire, Albert s’est réfugié dans la propriété de son bourreau. C’est alors qu’un drame est survenu, fruit de l’oppression de l’infortuné calomnié. Il a été obligé, en état de légitime défense, pour sauver le dernier bien qui lui restait, sa liberté, de tuer le petit-fils du maire, âgé de 20 ans. Compte tenu des circonstances adverses et du grand péril dans lequel il était, tu conviendras avec moi, ma chère tante, que seuls des esprits étroits pourraient attribuer la responsabilité de cet accident au pauvre Albert.

            Ensuite, acculé comme un grand cerf majestueux mais blessé, juste avant l’hallali, Albert a réussi à trouver en lui la ressource de se défendre. Quel courage ! Quelle opiniâtreté ! À regret, il a été forcé de prendre en otage le maire et sa femme, tous deux âgés de 70 ans.

            Comme les gendarmes, obtus comme seule leur profession répressive en est capable, refusaient de le laisser partir, il a été contraint par la bêtise et l’ignoble acharnement des hommes, de faire un exemple en égorgeant la vieille qui lui avait d’ailleurs porté sur les nerfs, étant en crise d’hystérie depuis le début de la prise d’otage.

            C’est à ce moment que le vieil excentrique de maire, avec un manque choquant de maîtrise de soi pour un homme de son expérience, a perdu complètement les pédales. À son corps défendant, et sa bienveillance naturelle lui interdisant tout sentiment de rancune vis-à-vis de son bourreau, Albert a été obligé de l’assommer. Depuis toutes ces années, le vieux débris est dans le coma, sans espoir d’en sortir selon les médecins. C’est regrettable car il n’a pas pu assister aux funérailles de sa femme et de son petit-fils.

            Je suis persuadée, ma chère tante, qu’à ce point du tragique récit, tu dois être toute bouleversée des malheurs du pauvre Albert. Eh bien, rassure-toi ! Albert respirait la bonté, aussi Dieu était avec lui. Il a réussi à s’enfuir dans la confusion.

            Tu seras surprise d’apprendre, qu’au lieu de tenter d’oublier ces péripéties pénibles, ces brutes de gendarmes revanchards l’ont cherché par tout le pays. Heureusement, il est parti avec le magot de ce cupide de maire, qui n’en avait plus besoin, dans son état. Donc tout est bien qui finit bien.



On n’a jamais revu le bel Albert. Tous les jours, je guette le retour de l’amour de ma vie. Je sais qu’il reviendra me chercher, mon Albert, quand il aura vaincu son tragique destin, tel le héros Ulysse. En attendant, j’élève notre enfant dans le culte de son père. Je prie Dieu chaque jour pour que notre fils de dix ans marche sur les traces de son courageux père.

J’espère, ma chère tante, t’avoir convaincue de la médisance des gens du village et de la pureté du cœur d’Albert.
 

Ta nièce Lolita qui t’aime fort.


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mercredi 11 avril 2012

Courte fiction : Un jeune homme au cœur pur

                        Ma chère tante,

            Je viens de recevoir ta lettre qui ne m’a pas causé la vive joie que notre contact épistolaire me procure d’ordinaire : je suis peinée du mal que tu penses d’Albert, après toutes ces années. Tu t’es laissé abuser par la médisance et les racontars des langues de vipère qui abondent au village.
            En lisant les mots qui suivent, je suis bien sûre que tu te rendras compte qu’Albert n’était pas le monstre qu’on a décrit, mais un ange calomnié, victime des événements et de la méchanceté de ses semblables. 
            Son voisin l’accusait d’être dévoré d’orgueil. Ce n’était pas tant la vanité d’Albert qui était patente, que la jalousie du voisin. Celui-ci enviait la beauté, la prestance et les manières raffinées d’Albert, lui dont la laideur et la rusticité suintaient par tous les pores (je devrais écrire porcs). D’ailleurs, l’orgueil, père de l’ambition et de la réussite, est plus une vertu qu’un péché en ces temps troublés.
            D’ambition, Albert n’en manquait pas, malgré un sort adverse. Misérable chômeur famélique, courageuse victime de notre société inégalitaire et inhumaine, il est allé trouver le maire, l’homme le plus riche de la contrée. Avec douceur, Albert lui a demandé un modeste emploi, adjoint au maire. L’autre, si opulent, aurait pu faire un geste de compassion. Prétextant que le poste était pourvu, le cœur de pierre ne lui a offert qu’un simple poste d’employé municipal, exigeant, tel un tyran cruel, que le jeune homme fasse ses preuves. Quels arguments fallacieux et choquants crachait cet abject personnage ! Je suis persuadée, ma chère tante, que tu en es toute retournée comme je le fus à l’époque. Albert n’était pas fier mais il ne pouvait accepter un travail si en dessous de ses capacités même s’il n’avait aucun diplôme et n’avait pas encore eu la chance de travailler à trente ans passés.
            En sortant de la mairie, mû par l’audace de son merveilleux caractère, il a décidé d’agir pour sortir de l’impasse.
Il a juste emprunté la Porsche du maire afin de chercher un travail. C’était vital pour le pauvre Albert et le maire possédait plusieurs autos. Mais le vil individu a porté plainte auprès des gendarmes, figure-toi ! Je crois qu’Albert a revendu la Porsche pour donner l’argent aux pauvres, tel le Robin des Bois moderne.
            C’est ce soir-là que je l’ai rencontré alors que je me promenais dans les bois près du village. Il avait sur lui plusieurs bouteilles d’alcool. Les mauvaises langues te diront qu’il était ivrogne et qu’il avait dépensé ainsi le produit de la vente de la Porsche. Mais c’est faux ! Pauvre, pauvre Albert avait besoin d’un remontant, écrasé par les soucis causés par l’indigence et le perfide maire.
            Et quel gentleman il était ! Ô ma chère tante ! De nos jours, il n’existe plus d’homme aussi galant ! Il m’a offert à boire. À satiété. Quelle générosité ! Je tiens tout de suite à préciser que sa réputation lubrique était calomnieuse. Il était un jeune homme chaste et tempérant. Seulement, sa candeur ignorait les effets maléfiques de l’alcool. J’ai tant bu ce soir-là que je ne me rappelle pas ce qui s’est passé. Mais je me suis retrouvée enceinte. C’est la boisson du diable qui a égaré sa pudique vertu, n’en doute pas, ma chère tante. La luxure était étrangère à cet homme de bien.
            Il est vrai qu’ensuite, apprenant ma grossesse, il s’est sauvé sans un mot. C’est parce que ma mère, ta sœur, croyant bien faire, a commis la sottise de porter plainte auprès des gendarmes pour viol. C’est alors que les événements se sont précipités, hélas. Sans cette méchante bourde, il m’aurait épousée, sois-en persuadée, quelques années plus tard. Car à l’époque des faits, je n’avais pas treize ans.        

Fin de la première partie.

Seconde et dernière partie ici.

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mardi 3 avril 2012

Critique de Walking Dead : La mort en marche (BD)

Titre : Walking Dead
Sous-titre : La mort en marche (tome 1)
Dessinateur : Tony Moore
Scénariste : Robert Kirkman
Éditeur : Semic Noir / Delcourt
Date de parution : 2003 pour la version originale en anglais
 

Le monde que nous connaissons s’est effondré. Des morts-vivants mordent les vivants et les contaminent, en faisant à leur tour des zombies. La version gore et macabre des schtroumpfs noirs de Peyo.

Houlà, fis-je in petto en commençant la lecture de cette bande dessinée, voilà un thème archi-rebattu depuis le film mythique La nuit des morts-vivants, 1968, de Romero. Depuis presque 45 ans, le thème a été repris jusqu’à la nausée en films, BDs, jeux vidéo, etc… Vous savez, les zombies immondes qu’il faut abattre d’une balle dans la tête, leur seul point faible avec leur lenteur et leur cervelle de moineau.

Bon, le sujet est hyper classique. Soit. Toutefois, en y réfléchissant, les thèmes ressassés avec succès sont légion. Un seul exemple : le thriller-polar du tueur en série. Le gars est intelligent, fourbe, cinglé, sadique, immoral. Il donne du fil à retordre à la police, il commet des meurtres de plus en plus épouvantables, il y a des tonnes de rebondissements. Thème rebattu mais qui plaît. Pourquoi ?

Parce qu’on ne cherche pas forcément l’originalité du thème. L’important c’est qu’il soit bien traité. Et c’est le cas avec Walking Dead. Une petite communauté d’une dizaine d’humains tente de s’organiser pour survire au milieu de l’horreur zombie (horror-survival).

Les personnages ont une personnalité fouillée qui les rend attachants. L’histoire ne manque pas de rebondissements. Le dessin est efficace. Il est heureusement en noir et blanc, évitant un effet gore qui serait insoutenable.

La petite communauté apprend à vivre avec le deuil, les privations, les tensions internes et surtout la mort vivante qui rode, prête à les croquer, bref les épreuves extrêmes rendues plus pénibles par le souvenir du confort de notre civilisation.

Globalement, une excellente série, haletante et efficace.

Elle propose même quelques pistes de réflexions philosophiques. L’un des membres de la petite communauté est contaminé. Plutôt que d’être abattu par les humains, il préfère se transformer en zombie, avec l’espoir de retrouver sa famille qui a subi le même sort. On peut y voir une allégorie de la vieillesse débilitante : vaut-il mieux se trainer avec un cerveau presque mort et un corps en semi-putréfaction, ou bien choisir la délivrance ?

Le scénariste Robert Kirkman nous livre le thème de la série :

«  Avec Walking Dead, j’ai voulu explorer comment des individus réagissent lorsqu’on les met face à des situations extrêmes et quel impact peuvent avoir les événements sur leur comportement. »




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