Éditeur :
Dupuis
Date de
parution : fin des années cinquante
Genre : BD
de détective humoristique
Dans les
années cinquante et soixante, l’école belge produisait les meilleurs BD du
monde pour la jeunesse et aussi pour la vieillesse. Avant de sortir en album,
les plus savoureuses d’entre elles étaient publiées en feuilleton dans les deux
magazines vedettes de l’époque : Tintin
et Spirou.
Chez Spirou officiait l’éditeur Charles
Dupuis. Non seulement il était un dénicheur de talents sans pareille, mais en
plus il s’immisçait dans les créations de ses poulains, souvent pour le
meilleur. La grande vedette, c’était Franquin qui avait donné le nom à
l’hebdomadaire. Aux côtés du père, il y a avait le fils et le sain
esprit : Roba et Peyo. Et puis, pullulait une pépinière de talents dont
Marc Tillieux fut le plus brillant représentant.
Marc Tillieux
était un artiste complet : romancier, scénariste et dessinateur. Sa
meilleure création est la série des Gil
Jourdan, 15 albums de 1956 à 1973.
Gilbert
Jourdan est un jeune détective privé bardé de diplômes, d’intelligence et
d’agilité physique. Sa morale irréprochable et ses façons pince-sans-rince sont
tintinesques. Un tel personnage seul serait ennuyeux : trop lisse ce
gendre idéal, trop parfait, pas humain. Alors il s’entoure de deux
faire-valoir. Libellule est un ancien cambrioleur repenti, l’âme damnée de Gil.
Cerveau miniature (sauf nécessités de l’intrigue) mais attachant. Il fait des
calembours dont lui seul rit. De toute façon, Jourdan ne rit jamais, ne boit
jamais, ne fume pas, ne b… etc. L’inspecteur de police Crouton, c’est le
bouffon par sa maladresse physique, mais par contre il assure
intellectuellement. Bref, ce trio se complète. Leurs aventures mêlent
rebondissements et humour.
Le dessin, il
faut le dire, n’est pas le point fort de Tillieux. Il s’inspire du style
Franquin sans parvenir à égaler le maitre. D’après ce qu’il raconte dans un
interview, c’est Charles Dupuis qui lui a demandé ce style caricatural (les
têtes des personnages sont disproportionnées par rapport au reste du corps
comme chez Franquin) alors qu’il se sentait plus en phase avec le style
réaliste d’Hergé.
La force de
Tillieux, c’est le scénario. La psychologie des personnages. L’intrigue, bien
sûr. Mais surtout les dialogues. Tillieux, c’est l’Audiard de la BD, le Lauzier
pour la jeunesse. Les dialogues sont si cocasses et percutants qu’ils en
deviennent irréalistes : on imagine mal le clampin de base avoir autant
d’esprit. Tous les persos renvoient la balle chez Tillieux. C’est savoureux. Il
possède aussi l’art de découper l’histoire en cases, le point fort d’Hergé.
Le volumineux
tome 1 cartonné de l’intégrale propose les quatre premières aventures de Gil
Jourdan : Libellule s’évade, Popaïne et vieux tableaux, La voiture
immergée et Les cargos du crépuscule. En introduction, on a droit à une
passionnante biographie de Tillieux, illustrations à l’appui, présentant sa vie
artistique, donc, et aussi la genèse de Gil Jourdan.