Injustement
peu connu en France, Poul Anderson fait partie des grands maîtres américains de
la science-fiction du XXe siècle. Son abondante bibliographie s’est couverte
d’honneurs et de nombreux prix littéraires (Nebula, Hugo et tant d’autres).
La Patrouille du Temps, parue
initialement dans The Magazine of Fantasy
& Science Fiction en 1955, est sûrement la série la plus connue de Poul
Anderson.
Dans le futur
lointain, l’Homme a inventé le voyage dans le temps. Seulement voilà, cette
invention merveilleuse en théorie est en pratique une source terrible de tracas.
En effet, certaines personnes sont tentées de changer le cours de l’Histoire,
anéantissant du coup l’humanité telle que nous la connaissons. Aussi la mission
de la Patrouille du Temps est de veiller à ce que personne n’altère l’Histoire,
une tâche dangereuse, grandiose, démesurée et bourrée d’aventures uchroniques.
Avec une grande
habileté, Poul Anderson réussit à justifier autant qu’il est possible cette construction
de l’esprit humain qu’est le voyage dans le temps, remplie de paradoxes
insurmontables en pratique. Mais pas pour Poul, le magicien de l’assemblage des
mots ! Ainsi il introduit des lois de causalité et de conservation
associées au principe de discontinuité : si un agent de la Patrouille du temps
tuait ses parents, il continuerait cependant d'exister. De plus, le cours de
l’histoire ne se déforme pas aisément : il est élastique. Ainsi si vous
tuez un lointain ancêtre d’un homme célèbre, il existera quand même car il est
le fruit d’une multitude de gènes. Par contre, si vous tuez Scipion, le seul
général romain valable de l’époque, alors Hannibal triomphe, Rome tombe, et la
civilisation celte triomphe (même si les Carthaginois étaient des Phéniciens
donc des Sémites, mais bref, l’histoire du monde est chamboulée). Et c’est dans
ces cas dramatiques là que la Patrouille du Temps doit intervenir.
La maîtrise narrative de l’auteur est
remarquable. Comme le récit est destiné à paraître par épisode dans un
magazine, Poul Anderson arrive à rappeler au lecteur l’essentiel du contexte en
quelques phrases habiles disséminées au début de chaque épisode. Ses
connaissances historiques et surtout l’efficacité de son écriture tiennent du
prodige : il est capable de brosser des tableaux historiques convaincants,
que ce soit l’ambiance d’une ville du temps de l’empire perse, ou bien une
bataille entre Rome et Carthage.
Le thème sous-jacent
des épisodes est souvent l’amour romantique. Non sans humour, il met ses
personnages masculins dans des situations inextricables et devant des
contradictions à la fois pitoyables et réalistes, pour les beaux yeux d’une
femme.
Cette plongée
dans le passé de l’humanité, outre les connaissances historiques, apporte des
réflexions d’une profondeur insoupçonnée. La
Patrouille du Temps est bien plus qu’une œuvre de science-fiction :
elle aborde les genres de la romance, du roman historique, de la (contre) uchronie
et même, oui, même du conte philosophique.
Bonsoir
RépondreSupprimerC'est le premier tome d'une série : vas-tu lire les autres ?
Pas dans l'immédiat. J'écris un roman noir, alors je lis des romans noirs.
RépondreSupprimerMême si je lis le tome 2, je n'en ferai pas une critique. Ça ne servirait à presque rien, le nombre de personnes qui lirait cet article ET aurait lu le tome 1 serait infinitésimal.
Pourquoi me demandes-tu ça ?