Un homme se
meurt du sida. Il écrit son témoignage et confie le manuscrit à son ami, un écrivain
réputé qui est le narrateur. En quelques jours, les médias en font une vedette.
Dans le ciel de Paris, les vautours mercantiles commencent à tourner.
Comme l’écrit
à juste titre Wikipédia, « L’auteur dresse la caricature de la célébrité
éphémère d’un écrivain atteint du sida : éditeurs peu scrupuleux, parents
intéressés par l’héritage, amis qui font rapidement le deuil du disparu. »
Mais ce qui
est passionnant dans Les souliers rouges
de la duchesse, paru en 1992, c’est cette plongée dans l’univers de
l’écriture et des grands éditeurs parisiens. Comme ils sont décrits sans
concession, l’auteur les a drapés de pseudonymes. Muche me fait penser à Gallimuche, Gallimard, Antoine Gallimard qui
a édité Jack-Alain Léger. Au passage, on apprend que dans les années 80, le
service de presse d’un grand éditeur parisien envoyait aux médias pas moins de
400 exemplaires gratuits d’un roman à paraitre. Ça, c’est de
l’investissement !
Jack-Alain
Léger possède un style virtuose, tout en finesse. Pas d’effets, d’acrobaties ou
de fioritures, mais l’art de rendre vivants une scène ou un personnage en
quelques mots. La classe !
Le roman
parait tellement réaliste, vivant, sincère qu’il donne l’impression qu’il
s’agit de mémoires et non d’une fiction. Voilà l’art de l’écrivain : faire
passer une fiction pour de la réalité. Léger atteint le sommet de l’émotion et
de la sincérité quand il décrit et analyse l’émission littéraire de l’époque, Apostrophes. En tant qu’écrivain, il y a
lui-même participé.
Le roman
fourmille d’idées et de pistes de réflexion sur notre société qui le dégoûte
pas mal. Exemple : la fiction est plus vraie que la réalité car ce que les
médias nous présentent n’est pas la vraie vie, mais un spectacle, « une
manipulation médiatique, une reconstitution télévisée peuplée d’éléments
statistiques. Voilà notre monde ! Et ne nous reste plus à peu près que
l’invention romanesque pour pouvoir rétablir un semblant de vérité ».
Je me souviens
de l’interview d’un grand éditeur parisien dans le magazine Muze. Il mettait au défi de citer le nom
d’un écrivain francophone contemporain qui allait rester. Eh bien, j’en connais
au moins deux : Serge
Brussolo en littérature de genre, et Jack-Alain Léger en littérature
générale.
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