SAS ou la
quintessence du roman de gare. À la belle époque, dans les années 70-80, il
s’en vendait selon la légende 200 000 exemplaires par épisode, quatre
épisodes par an. Seul San-Antonio faisait mieux.
SAS, Son
Altesse Sérénissime, le prince Malko Linge est une barbouze autrichienne hors
cadre de la CIA. Ses missions chics et chocs mêlent action violente,
espionnage, géopolitique basique et érotisme programmé.
Qu’est-ce qui
faisait le succès de la série, souvent imitée, jamais égalée ? Une réussite
en apparence étrange dans la mesure où chaque épisode est formaté à
l’identique.
Le
style ? « Insignifiant, insignifiant… » trancherait Céline qui qualifiait
ainsi celui de Montherlant. D’autant qu’il est régulièrement grevé par un
sponsoring grotesque. Malko consulte sa montre de telle marque, les
magnétoscopes utilisés par tous les personnages sont de telle marque, etc. J’imagine
l’auteur en train de compter le nombre d’apparitions du mot de chaque marque
prévu par son contrat. Là où c’est carrément ridicule, c’est quand, dans une
suite ultra-huppée, il se sert un whisky de la marque sponsorisée qui s’avère
vraiment bas de gamme. Boit-on du gros rouge chez un grand caviste ?
L’érotisme
mécanico-torride ? Il confine au pastiche. Toutes les femmes que Malko
croise sont jeunes, très belles et terriblement sensuelles, sans enfant,
prennent la pilule et n’ont jamais leurs règles. Surtout, elles ont
curieusement toutes envie de lui même si elles sont en couple. Un seul regard
de ses yeux or, et elles se mettent en position. Une forme d’épidémie de
nymphomanie sélective.
L’analyse
géopolitique ? L’auteur colle à l’actualité, très bien. En apparence il
nous dévoile des informations cachées au grand public. En fait, il s’agit juste
de points de vue classiques et paranoïaques, genre l’impérialisme soviétique
pendant les années 80, alors que les pauvres gars se débattaient pour éviter la
faillite, un peu comme la France des années 2010, finalement…
L’exotisme et
la précision documentaire ? Chaque épisode se déroule dans un pays
différent (jamais la France à ma connaissance). Ce dépaysement contribue au
succès, d’autant que Gérard de Villiers parvient bien à faire ressortir une
certaine ambiance de la ville dans laquelle l’action a lieu. Pour mieux
immerger le lecteur, il cite souvent les rues par lesquelles les personnages
cheminent. Sympa au début, mais finalement vite lourdingue : on se fiche
que Malko emprunte Baboon Street, très encombrée puis bifurque à droite sur
Dream Avenue, et là le trafic devient plus fluide…
Alors
quoi ? Eh bien l’essentiel des ingrédients qui font un bon roman sont
présents. La psychologie des personnages tient la route et Gérard de Villiers réussit
souvent à éviter le manichéisme. Surtout, le plus important dans un roman comme
dirait Stephen King, c’est l’histoire. Or l’intrigue est bien menée :
suspense, rebondissements, enquêtes d’espionnage… Et puis, la série offre un
plus indéniable : on n’est jamais sûr du happy-end. Parfois, SAS foire
complètement sa mission et ça, c’est réaliste !
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