L’encyclopædia universalis présente bien
ce roman mythique :
« Publié
en 1925, Gatsby le Magnifique est le troisième roman et l'œuvre la
plus célèbre de l'écrivain américain Francis Scott Fitzgerald (1896-1940).
Accueillie en son temps avec peu d'enthousiasme par le public et la critique,
cette chronique désenchantée n'allait pourtant pas tarder à devenir l'œuvre
phare de toute une génération, la « génération perdue » des rugissantes années
1920 (« roaring twenties »), celle des jeunes gens qui cherchaient à noyer leur
désespoir né de la guerre dans le jazz et l'alcool de contrebande. »
Les années
rugissantes aux États-Unis correspondent aux années folles en Europe. Admettons
qu’une génération se soit reconnue dans ce roman, cela n’explique pas son
succès ultérieur jusqu’à nos jours. Alors d’où vient-il, ce succès ?
Pourquoi Gatsby nous touche-t-il ?
Le romantisme,
pardi ! Le thème le plus classique et le plus porteur des romans. Car
Gatsby, par ailleurs un escroc engendré par la prohibition (à chaque fois qu’on
interdit une substance psychoactive, on favorise le crime, organisé ou non) ne
vit et meurt que pour une femme. Pendant cinq ans, il monte un stratagème
habile mais incroyablement lourd pour la retrouver de manière la plus
convenable possible, lui qui est loin d’être convenable comme on l’apprend
progressivement. Bref, il ne vit que pour elle. Or, qu’a-t-elle de
particulier ? Rien à part une plastique agréable. Elle n’a pas l’esprit
brillant, elle ne sait pas conduire une voiture (une incapacité lourde de
conséquences dans l’intrigue tragique) et surtout elle ne l’attend pas pendant
la guerre malgré leur idylle parfaite juste avant son départ au front. Elle se
marie sans vergogne à un autre. Bref une jolie cruche salope comme il y en a
tant…
Mais
voilà ! Lui est dans son rêve. Certains ont parlé de rêve américain. Plus
largement, je dirais rêve humain, utopie : les Hommes raffolent de ces
constructions idéalistes complètement détachées de la réalité : Dieu, le
communisme, l’humanisme et… l’amour romantique.
Une fois
accoutumé au style soutenu (des passés simples dans les dialogues, par exemple)
et malgré le prisme de la traduction qui mériterait un dépoussiérage, on est
charmé par l’humour sarcastique et subtil qui transparait dans de nombreuses
scènes du roman. Gatsby n’est pas
seulement une tragédie romantique émouvante, c’est aussi une satire sociale
d’autant plus féroce qu’elle est fine. Jamais ou presque de caricature. Des
piques fines donc aiguës qui banderillent habilement le genre humain.
On appréciera
aussi l’absence de manichéisme : tous les personnages ont des points de
vue défendables. Ainsi le mari de la femme que convoite Gatsby, sous des dehors
grossiers au début, se révèle sincère et rationnel autant qu’un des personnages
du roman peut l’être. Car si on y réfléchit, ils sont tous abjects et sans
moralité… Fitzgerald n’était pas un humaniste mais un réaliste, un très grand
romancier maitre de son art.
En conclusion,
Gatsby le magnifique est un roman de
chevalerie moderne et dépravée. Le personnage principal est obsédé par l’idée
de faire revivre le passé, une forme d’immortalité peut-être. La dernière
phrase du roman en témoigne :
Car c'est ainsi que nous allons, barques
luttant contre un courant qui nous ramène sans cesse vers le passé.
Cette phrase a
été gravée dans la pierre de la tombe de Francis Scott Fitzgerald. N’est-ce pas
romantique ?
L’œuvre est
tombée – non, hissée – dans le domaine public. Donc téléchargeable gratuitement
et légalement.