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jeudi 17 octobre 2013

Critique : La Princesse Noire, de Serge Brussolo


Éditeur : Le Livre de Poche
Date de parution : 2004
Genre : Thriller médiéval 

L’action se passe en Scandinavie au temps des Vikings et de l’essor du christianisme dans cette région.

Le personnage principal est une jeune fille de seize ans. Comme beaucoup d’héroïnes de fiction moderne, elle a un tempérament très masculin, comme un homme sans la force physique. Orfèvre dans la boutique de sa mère, elle s’ennuie et rêve d’aventure. Son vœu est exaucé : elle est capturée par des Vikings et vendue comme esclave. Une mystérieuse princesse noire l’achète, direction son château sur une île rustique.

Là, notre héroïne doit s’occuper d’enfants infirmes que la châtelaine recueille. Elle se rend compte que les enfants sont négligés et qu’en plus, il y en a d’autres, aveugles, dans les souterrains sous le château. Dans la lande, un monstre ailé sème la terreur. Enfin, les villageois colportent sur la princesse noire les pires rumeurs. Sans se frapper, notre héroïne aux nerfs d’acier va démêler l’écheveau des mensonges, des superstitions et des bassesses de chacun.

Comme dans tout bon thriller, Brussolo multiplie les fausses pistes. La figure de style principale du thriller est respectée : chacun n’est pas celui qu’on croit.

Le style de l’auteur est vivant et sans fioriture. Pas brillant, certes, mais efficace et précis.

L’ambiance est oppressante, la peur et la superstition (donc la religion) règnent. Ce n’est pas la première fois que Brussolo met de façon lucide en scène la fondation de légende, mythe et finalement, l’invention de dieux par un groupe d’humains ignorants et écrasés par l’angoisse (cf. Shag l’idiot).

Même s’il met en évidence la bassesse de l’âme humaine, préférant réalisme à humanisme, Brussolo a le grand mérite d’éviter tout manichéisme. Chaque personnage, aussi maléfique qu’il paraisse, a de bonnes raisons d’agir comme il le fait. À part le personnage principal trop masculin et trop robuste nerveusement, voire trop malin, la psychologie des autres personnages tient vraiment la route.

Serge Brussolo, le maître français de la littérature de genre, signe une nouvelle fois une œuvre originale et marquante.
 
 


 

vendredi 15 mars 2013

Critique : Mon initiation chez les chamanes, de Corine Sonbrun


Sous-titre : Une Parisienne en Mongolie
Éditeur : Albin Michel
Date de parution : 2004
Genre : Récit de voyage mystique et ethnologique
 
Corine est une grande voyageuse mystique. En Amazonie, lors de sa première rencontre avec un chamane, elle a entendu en rêve un chant diphonique. Seuls les chamanes mongols le pratiquent : alors cette fois, direction la Mongolie.

Un chamane est une personne qui entre dans un état de conscience altéré (la transe), volontairement, afin de contacter et d’utiliser une réalité cachée en vue d’acquérir connaissance, pouvoir et faculté de guérison, selon Michael Harner (1979). Pilier des peuples primitifs, le chamane cumule souvent les fonctions de prêtre, guérisseur, devin et médiateur. Médiateur entre les hommes, mais surtout entre le monde réel et celui des Esprits.

Corine se moque pas mal de l’aspect social et thérapeutique. Comme tous les humains, elle cherche à satisfaire son intérêt égoïste. Elle est depuis trois ans en deuil de son amoureux et n’arrive pas à l’oublier. Au point d’espérer entrer en contact avec lui grâce à la transe !

Elle réussit à assister à une cérémonie chamanique. Et là, paf ! Uniquement en écoutant les battements du tambour magique (180 battements par minute, comme la musique techno), elle entre en transe. Celle-ci s’obtient généralement par l’ascèse ou les produits psychotropes (amanite tue-mouche dans nos régions). Mais pour certains, la musique appropriée suffit : la preuve. Peut-être le deuil inconsolable augmente-t-il la perception de Corine, ou peut-être sa santé mentale s’est-elle altérée par le chagrin…

Pendant la transe, elle ne sent plus la douleur. Elle devient un esprit, un loup, et voyage dans le monde des Esprits. Elle voit un vieillard. Surtout, elle voit une porte, qu’elle n’ose franchir car c’est dangereux. La transe est-elle un voyage intérieur ou bien vers une autre dimension ? La question reste ouverte.

Corine fait la rencontre d’une chamane expérimentée qui accepte de la former. Alors elle vit en semi-nomade avec la famille de la chamane, dans la steppe. Tous logent dans un tipi. Ils élèvent des rennes, possèdent chiens et cheval. Corine apprend à traire les rennes, les regrouper, couper le bois, résister au froid. Bref, vivre comme nos ancêtres du néolithique, vodka en plus. Que ne ferait-elle pas pour retrouver son chéri ?

Sous la houlette de la chamane mongole, elle effectue plusieurs voyages intérieurs. Elle ose enfin ouvrir la porte du son, comme elle la nomme. Mais, grosse déception, le défunt chéri n’est pas derrière cette porte. La vie et l’apprentissage continuent.

Il est passionnant de constater que le phénomène du chamanisme ne semble pas culturel : une Française peut avoir ce don. Il s’agit donc d’un phénomène universel.

Le chamanisme est la première religion de l’humanité, depuis l’aube des temps. Certains affirment que les croyances et les mythes fondateurs des grandes religions actuelles et passées viennent des visions des chamanes en transe. C’est eux qui nous ont communiqué la notion de l’au-delà.

Un témoignage unique sur le phénomène de transe, un récit ethnologique saisissant, un style et un ton vivants : Corine Sonbrun signe un livre exceptionnel et passionnant.



 
 

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mercredi 5 octobre 2011

Critique littéraire : Pour en finir avec Dieu de Richard Dawkins

Publié en 2006, cet essai vibrant de 400 pages sur la religion, ou plutôt contre la religion, est l’œuvre d’un biologiste britannique de renommée mondiale, athée fanatique, si l’on me permet cet oxymoron.
Le ton tourne parfois au pamphlet et quelques passages sont inévitablement longs ou abscons. Néanmoins, l’érudition de l’auteur (plus de 200 ouvrages en référence) et la pertinence de nombre d’idées sont véritablement percutantes, pour celui qui n’est pas aveuglé par les dogmes religieux qui ont pu l’endoctriner durant son enfance.
Je vais juste mentionner l’idée centrale du livre qui explique pourquoi Dieu a, selon Dawkins, très peu de chances d’exister.
Certains créationnistes invoquent l’étonnante complexité et sophistication de certains organes ou composants animaux (yeux, ailes, système immunitaire, etc…) pour dire qu’il est impossible que de telles merveilles soient arrivées là par hasard. Ce ne peut donc être que l’œuvre de Dieu. Non, en effet, nous explique le biologiste Dawkins, spécialiste de la théorie de l’évolution, ce n’est pas dû à la chance. Ces organes merveilleux sont le fruit d’une très lente évolution basée sur la sélection naturelle (découverte par Darwin du XIXème siècle et amplement étayée par la science depuis). Ce n’est pas arrivé d’un coup mais très très progressivement avec beaucoup de ratés et fausses routes, ne laissant aucune place à la chance ni à une quelconque intervention surnaturelle.
Ensuite, Dawkins examine les facteurs qui permettent à une planète de développer la vie. Il faut un certain nombre de facteurs contraignants : de l’eau, être à bonne distance du soleil (pas trop prêt, pas trop loin), une grosse planète (Jupiter) dans les environs pour faire aspirateur à astéroïdes qui sinon dévasteraient notre planète, et d’autres conditions encore. Là, l’évolution ne peut rien. Alors disent les religieux, seul Dieu a pu créer tant de conditions favorables. Faux répond Dawkins. Il y a au moins un milliard de planètes dans notre galaxie. Et au moins un milliard de galaxies dans l’univers. Statistiquement, il y a donc une très forte probabilité que l’univers possède plusieurs planètes comme la nôtre, aptes à développer la vie, sans intervention surnaturelle.
Enfin, reste l’épineux problème de la création de l’univers, sur lequel nous manquons encore de données précises comme on peut s’en douter, le phénomène s’étant produit très loin d’ici il y a 13 milliards d’années.
Les physiciens se sont aperçus qu’il existe six nombres de la physique qui sont « réglés » juste à la bonne valeur pour qu’il puisse y avoir de la vie dans l’univers. Par exemple, une constante physique concernant la fusion nucléaire. Elle est 0.007 pour tout l’univers. Si elle était à 0.006 ou 0.008, il n’y aurait pas de vie.
Ah, ah ! jubilent les croyants, c’est impossible que ce soit arrivé par hasard. C’est forcément la main de Dieu.
Non, rétorque Dawkins pour deux raisons. D’abord si on imagine qu’il y a un être intelligent et très puissant qui a « titillé » les six boutons réglant les constantes physiques, alors cet être est très complexe. Répondre que c’est Dieu qui a lancé l’univers, ne simplifie pas le problème mais au contraire le rend encore plus complexe et improbable. Il est infiniment plus improbable qu’il y ait un super-créateur que simplement six constantes à la bonne valeur. Après tout, si on se dit par simplification excessive : « Dieu est, point ! » autant se dire « Les six constantes sont à la bonne valeur. »
D’autre part, la recherche récente en cosmologie et physique propose deux nouvelles théories intéressantes :
Selon la théorie de l’expansion-contraction, l’univers a une durée de vie de vingt milliards d’années. Il y a eu le big-bang, l’expansion. Vient ensuite la contraction de l’univers qui se termine par le big-crunch qui est l’opposé du big-bang. Ensuite un nouvel univers démarre. Selon cette théorie, un nombre quasi-infini d’univers peuvent se suivre dans le temps, en série. Selon la statistique (et le bon sens), la probabilité est forte que l’un de ces univers ait les six constantes à la bonne valeur. Ce serait le cas du nôtre.
L’autre théorie, c’est celle du multivers. Selon certains physiciens, il y aurait de très nombreux univers qui existeraient en parallèle. Là aussi la probabilité est forte que l’un d’eux possède les six bonnes valeurs. C’est le nôtre.
Bon, c’est un sujet très compliqué, et je ne suis pas sûr d’avoir bien expliqué mais vous voyez un peu le topo.
En conclusion, je conseille la lecture de cet ouvrage passionnant. Les agnostiques deviendront athées, les athées seront renforcés dans leurs convictions, et les croyants se poseront des questions légitimes. 

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lundi 26 septembre 2011

Nouvelle courte : La légende est en marche - Suite et fin

            1ère partie

— Sauver… reprend le disciple. Si vous me permettez un mot joueur dans notre situation tragique, Maître, pourquoi ne vous sauvez-vous pas de cette ville ? J’ai voyagé dans les pays voisins avant de vous suivre. De nombreuses communautés religieuses sont prêtes à croire en un Dieu unique qui offre la vie éternelle pourvu qu’on ait la foi. Ces idées sont inspirées de courants philosophiques grecs.  Il ne manque que le trait d’union entre Lui et les hommes, son Fils mythique ou réel. Le terreau est fertile, la graine a été semée. Il ne reste qu’à arroser…
            — Arroser avec mon sang… Il est trop tard pour fuir. J’ai demandé à l’un de vous de me dénoncer…
            — Je comprends à présent pourquoi vous avez dit lors du souper : « Ce que tu as à faire, fais-le vite. » Mais pourquoi ?
            — Pour que se réalise la prophétie des écritures. Et pour en finir… Je…
            Le Maître met sa tête dans ses mains, en plein désarroi. Le disciple s’approche, pour entendre ce que le Maître murmure :
            — Mon Père, éloigne de moi ce calice amer, s’il se peut…
            — Maître, au crépuscule de notre rencontre, confiez-vous le tourment qui vous oppresse…
            Le Maître retire les mains de son visage sombre. Ses yeux sont humides, sa respiration forte.
            — Mon âme est troublée. Mon cœur est triste à mourir. Je doute. Les autorités veulent me faire mettre à mort pour blasphème. Elles ne croient pas que je sois le fils de Dieu. Les pharisiens pensent que je suis fou, que j’ai un démon. Or j’entends la voix de mon Père dans ma tête parfois… Mais est-ce bien Lui ? Et si les Pharisiens avaient raison… Il faut en finir, je dois savoir…
            — Maître, j’ai discuté avec les autres disciples. Si vous êtes condamné, nous pouvons soudoyer les gardes et vous remplacer par un esclave drogué avant l’exécution.
            — Quoi ! Un innocent exécuté à ma place ? Quelle indignité !
            — Qu’il soit fait selon votre volonté. Nous avons élaboré une autre solution. Nous enlèverons votre corps du tombeau et proclamerons à travers Jérusalem que vous êtes revenu d’entre les morts. La légende est en marche, Maître !
            — Quoi ! Mais…
            On frappe avec force à la porte.
            — Au nom du Préfet Ponce Pilate, ouvrez !


Fin

Je dédicace cette nouvelle à jchr.be

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