mercredi 31 juillet 2013

Critique : Kangouroad Movie, de ADG


Kangouroad Movie est le dernier roman publié du vivant d’ADG en 2003. L’année d’après, Gallimard réédite les meilleurs auteurs de la collection Série noire, sauf ADG, le plus grand d’entre eux. C’est peut-être ce qui a achevé l’auteur bien malade. Gallimard a réparé sa faute en 2008, mais trop tard.

Kangouroad Movie est un roman noir vraiment désopilant : un roman drôlement noir mâtiné d’aventures rocambolesques. De fait, l’ensemble du récit apparait comme une vaste farce à prendre au second degré. L’action se passe dans le bush australien, le désert où vivent les Aborigènes. L’auteur nous décrit avec force détails et une grande érudition la flore et la faune. Sa connaissance profonde du pays (il a vécu plusieurs années dans la région) transparait à chaque paragraphe, notamment quand il nous initie à la pensée aborigène, un peu à la manière d’un ethnologue disjoncté.

L’histoire est riche en rebondissements, souvent improbables, mais l’intrigue n’est pas le point fort d’ADG. Un Australien blanc et un Aborigène chargés de réparer la barrière anti-dingo (plus longue que la muraille de Chine, plus longue que toute construction humaine depuis l’origine des temps) trouvent dans le désert cinq cadavres affreusement mutilés et une survivante étrange. Comme ils font la bêtise de ne pas aller à la police immédiatement, ils sont pris dans une tornade d’emmerdements.

Comme souvent dans l’œuvre d’ADG, le point fort est le style. Descriptions colorées, dialogues percutants, métaphores puissantes et originales, vocabulaire très riche, néologismes et un zeste de calembours font d’ADG un virtuose du style, un grand de l’écriture, comme on en voit très peu en langue française.

Ce chef-d’œuvre ô combien croustillant et marquant constitue son bouquet final du chant du cygne. Chapeau l’artiste !
 



 
 

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mercredi 24 juillet 2013

Mathilde la notable


Depuis le vol de son portefeuille, rien n’allait plus comme avant pour Mathilde. Cela s’était passé à l’heure de pointe dans le métro du soir ; comme toujours elle avait quitté le siège de la société la dernière. Sur le moment, elle ne s’était aperçue de rien. (…) Après seulement, elle s’était rendu compte.

(…) Plus de goût à rien, Mathilde. Dans son appartement de la rue du Louvres, au premier étage, certains soirs, elle n’allumait pas…

 
J’ai imaginé la suite de ce texte de François Nourissier :

 
Certains matins, elle ne se levait pas… Elle ne quittait plus le siège de la société la dernière. Oh non, c’était bien fini. Cette société qu’elle avait bâtie de ses mains, ou plutôt par l’opération de son esprit sain, son temps précieux, sa sueur énergique, ses relations particulières, tout son être, bref son bébé, elle le négligeait pour la première fois.

Comment une bâtisseuse d’empire de sa trempe avait pu être à ce point dévastée par le simple vol d’un portefeuille ? Voilà certainement ce que vous vous demandez, lecteur. Une longue enquête a permis de reconstituer l’enchainement dramatique des faits. Car Mathilde la notable, en somme, n’était pas la femme qu’elle paraissait.

D’abord, dans ce portefeuille, il y avait des photos compromettantes de son amant. Or son mari les reçut par la poste quelques jours plus tard et demanda le divorce pour faute.

Ensuite, dans ce portefeuille, il y avait des numéros de compte en Suisse, où en bon chef d’entreprise, elle planquait son magot. Or le fisc les reçut par la poste quelques jours plus tard. Alors contrôle fiscal et mise à l'index. Que l’opprobre est sale !

De plus, dans ce portefeuille, il y avait des contacts avec la pègre, celle qui l’avait aidée à démarrer sa société. Or la justice, eh oui, pareil, lettre anonyme. Alors garde à vue, mise en examen et tout ce qu’elle pouvait dire, eh bien, non, valait bien qu’elle la boucle et laisse jacasser son baveux.

Et enfin, dans ce portefeuille, il y a avait la lettre compromettante d’un politicien. Elle le faisait chanter, la Mathilde interlope. Or, tenez-vous bien lecteur, aucun organisme n’a reçu cette lettre par courrier anonyme.

 
 

 

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vendredi 19 juillet 2013

Lordius publié aux éditions Terriciaë !


Mon roman Glace Grise, un thriller géopolitique & espionnage, va paraître aux éditions Terriciaë à la rentrée.

 


Reste un dernier obstacle, une vingtaine de souscriptions. Pour ceux que cela intéresse, voici le bon de souscription à télécharger. Les frais de port sont offerts.

mercredi 17 juillet 2013

Critique : Shutter Island, la bande dessinée


Scénario et dessin : Christian de Metter
Tiré du roman de Dennis Lehane
Date de parution : 2009
Genre : thriller psychologique noir 

C’est le propre des chefs-d’œuvre que d’inspirer magnifiquement ceux qui les adaptent sur d’autres supports. Comme Martin Scorsese l’année suivante (film sorti en 2010), Christian de Metter a donné le meilleur de lui-même pour se hisser à la hauteur du roman de Dennis Lehane (best-seller sorti en 2003).

Début des années 50, région de Boston. Deux marshals fédéraux se rendent sur une île abritant un hôpital-prison pour dangereux psychopathes criminels. Nos deux détectives recherchent une malade qui s’est volatilisée. Elle a laissé une note cryptée. Tant de mystères recouvrent cette île secouée par la tempête… L’évadée a-t-elle bénéficié de complicité du personnel médical ? Qu’est venu chercher l’un des marshals qui semble connaitre un malade détenu dans l’île ? Les médecins pratiquent-ils des expériences louches sur leurs patients ? Une plongée sombre et angoissante dans l’univers de la folie attend le lecteur.

Shutter Island représente la quintessence du thriller psychologique : aucun des personnages n’est en réalité celui qu’il affiche au début de l’histoire.

L’adaptation en bande dessinée de Christian de Metter est remarquable à plus d’un titre. Les dessins d’abord, magnifiques, artistiques, frappants. La couleur sépia est un choix vraiment heureux, renforçant l’ambiance glauque de l’intrigue. Par contraste, les rêves du personnage principal sont en couleur. Encore une superbe idée. Concernant le scénario, les dialogues percutants sont saisissants de réalisme et d’émotion. En quelques cases, l’auteur arrive à restituer l’ambiance juste.

Ce qui m’apparait formidable, c’est que même quand on connait déjà l’intrigue, on est quand même scotché par cette bande dessinée. Pour ceux qui la découvrent, il est conseillé de la lire deux fois, afin de mieux appréhender la profondeur de l’œuvre.

mardi 9 juillet 2013

Critique : Le grand Meaulnes d’Alain Fournier


Ce classique de la littérature française est paru en 1913. L’année suivante, Alain Fournier se fait tuer à la guerre à 27 ans, laissant à la postérité des poèmes et cet unique roman qui deviendra un best-seller international.

Le grand Meaulnes, c’est l’histoire d’un garçon de 15 ans, dans les années 1890 qui s’ennuie ferme à la campagne. Un jour, un ado de 17 ans débarque. Il est aventureux, orgueilleux, mystérieux, idéaliste, romantique, viril, solitaire, charismatique, chevaleresque. On le surnomme le grand Meaulnes, parce qu’il est de grande taille, mais pas seulement. Un jour, Meaulnes part en escapade car il est en révolte contre le monde des adultes. Il se retrouve au beau milieu d’une fête étrange et, moment de grâce, il tombe sur une jeune fille qui lui fait un effet terrible. Mais alors si foudroyant qu’il ne s’en remettra pas, ni lui, ni la plupart des personnages du roman.

Les personnages principaux sont presque tous si idéalistes, si romantiques, si détachés de la réalité, si exaltés qu’ils en deviennent stupides. Ainsi ce pauvre Meaulnes qui recherche pathétiquement sa fiancée en secret, alors que s’il en parlait ouvertement, il la retrouverait bien vite. Mais au fond de lui, il ne veut pas la trouver. Il veut juste la chercher et la garder intacte dans son souvenir ébloui et ô combien idéalisé. La quintessence du romantisme…

Le grand Meaulnes démontre qu’il est souvent vain de vouloir classer une œuvre de fiction. C’est un roman protéiforme, un kaléidoscope littéraire. Roman de terroir, d’abord, bien ancré dans la réalité campagnarde pour mieux faire ressortir le merveilleux et le rêve. Cet aspect comporte hélas des passages un peu rasoir, mais pas plus que les romans de ses contemporains. Seuls les romans pour la jeunesse échappent à cette tare : Black Beauty d’Anna Sewell, Heidi de Joanna Spiri, Les aventures de Tom Sawyer de Mark Twain ou encore Anne… La maison aux pignons verts de Mary Maud Montgomery. À noter que Fournier retranscrit le parler des paysans de l’époque « C’est-il que… », une innovation que suivront Henri Barbusse dans Le feu et surtout Céline dans Voyage au bout de la nuit : des dialogues réalistes, des personnages qui ne parlent pas comme dans les livres, un style vivant et non pas pédant. Il s’agir d’une avancée majeure de la littérature moderne.

On a dit à juste titre que Le grand Meaulnes était aussi un récit autobiographique, un roman onirique, un roman d’aventures et un roman d’adolescence. Je résumerais par : une tragédie romantique, voire un mélodrame. Et j’irai même plus loin ! Le grand Meaulnes possède une véritable intrigue, avec coups de théâtre, rebondissement et, oui, suspense. Le grand Meaulnes est aussi un thriller !

Le grand Meaulnes est dans le domaine public. Il est donc disponible en téléchargement gratuit pour liseuse sur internet. Je conseille feedbooks qui propose les trois formats d’ebooks (pdf, epub et mobi pour Amazon Kindle). De plus, ce site propose une belle collection gratuite d’œuvres tombées (ou montées ?) dans le domaine public.
 



 

 

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mercredi 3 juillet 2013

Les squatteurs


Ce matin, il m’est arrivé un truc délirant.

Je vais faire mes courses comme d’hab. Quand je reviens, impossible de rentrer, dis donc ! La clé n’ouvrait pas la serrure.

Ça m’est déjà arrivé, mais uniquement quand je suis pris de boisson. Là pourtant, je suis à jeun. Alors je me dis : ça doit être ça qui cloche, je suis pas dans mon état normal. Je sors donc du panier à provisions la bouteille de pastis que je viens d’acheter et j’en siffle la moitié au goulot. Le calibre 45 %, ça vous réveille son homme !

Avec une énergie renouvelée, j’empoigne la clé et je trifouille la serrure. Mais nom d’une pipe z’en bois, rien à faire !

Je reprends une rasade de pastaga pour me calmer les nerfs et réfléchir. Car l’alcool désinhibe et stimule l’imagination. Je laisse venir à moi les idées, les souvenirs. Bien sûr ! L’autre jour, j’ai vu une émission sur les squatteurs. Ils entrent dans une maison vide, changent la serrure en un clin d’œil et les voilà chez eux. Après, pour les déloger, c’est toute une galère. Ah les enfoirés ! Dans le reportage, ils disaient que le plus simple, c’est de les expulser manu militari, parce que la loi, vous comprenez, patati, patata…

Alors en avant ! Je finis la bouteille et l’empoigne par le goulot. Ça va péter ! que je hurle pour me donner du courage. J’entends une voix d’homme derrière la porte. Cet empaffé de squatteur me nargue ! Je l’insulte copieusement et tambourine à la porte. Il ouvre pas, le fumier.

Il se la joue guerre de position ? OK ! Je donne l’assaut du camp retranché. Ni une ni deux, j’avise une meurtrière et je la défonce d’un grand coup de pied. Erreur tactique de l’ennemi qui n’a pas fermé les volets. La fenêtre vole en éclat. Ça y est ! Je suis dans la place. Un homme dans le salon. Il se sauve. Il va chercher du renfort. Pas question ! Profitons de la déroute des troupes ennemies pour les écraser. Tel le maréchal Murat à la tête de la cavalerie de Napoléon, je course le squatteur en hurlant, bouteille au clair. Lui aussi hurle. Paf ! Un bon coup de bouteille sur la tête ramène le calme sur le champ de bataille. L’ennemi gît à mes pieds. Tiens, il ressemble au voisin.


 

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