La bijoutière
s’apprêtait à fermer quand l’homme entra brusquement, essoufflé, le visage
rouge. Il avait auparavant jeté un œil à gauche et droite comme pour s’assurer
que personne ne le voyait entrer. La femme crut à une attaque. Tant de
bijouteries se faisaient dévaliser depuis la flambée du cours de l’or. C’était
bon pour les affaires, certes, mais la peur lui dévorait les entrailles et lui
volait le sommeil. Sa vie valait plus que quelques bijoux.
— Bonsoir,
prononça-t-elle d’un ton aussi assuré que possible.
Pour toute
réponse, il la dévisagea, les yeux fous. Il portait un bonnet et des lunettes de
soleil malgré la nuit. Dans la petite boutique, son odeur de sueur et de stress
empestait. La vendeuse grimaça, anticipant l’arme à feu qu’il allait sortir
dans un instant.
— Je veux
une bague, lâcha-t-il. Une pierre semi-précieuse.
— Quelle
pierre souhaitez-vous ? demanda-t-elle en se détendant un peu. Jade ?
Œil de tigre ?
— Je sais
pas. Pour une femme.
— Quelle
couleur, alors ?
— Je sais
pas. Dépêchons-nous !
Il tremblait.
Vraiment pas un client ordinaire.
— Eh
bien, quelle couleur porte-t-elle d’habitude ?
— Noir.
Comme ses yeux. Comme son âme.
— Et quel
type de vêtement met-elle ?
— Ben,
jupes, pantalons, comme tout le monde, quoi !
— Mais
quelle étoffe ?
— C’est
pas bientôt fini, cet interrogatoire ? On se croirait chez les
flics ! aboya l’homme en mettant la main dans sa poche.
La bijoutière soupira
imperceptiblement et s’approcha du bouton d’alarme, l’air de réfléchir.
— Une
obsidienne, peut-être ?
— Oui,
oui…
Elle reprit le
contrôle et sa respiration et lui montra les bagues en vitrine. Il souleva ses
lunettes de soleil pour lire les prix et en désigna une.
— Permettez-moi
une dernière question : c’est pour une occasion particulière ?
— Oui,
oui… J’ai quelque chose à me faire pardonner.
Tandis qu’il
remettait ses lunettes, elle aperçut des taches de sang sur la manche de la veste.
— Mon
Dieu ! Vous l’avez battue ?
— Oh
non ! Je l’aime trop. J’ai fait pire. Elle va être furieuse de mon
échec : j’ai pas eu le courage de tuer son mari, il n’est que blessé.
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