Genre : Roman
très noir japonais, thriller psychologique, et conte philosophique aussi
Date de
parution : 1997 au Japon
Titre original : イン ザ・ミソスープ, In Za Misosūpu, In the Miso Soup
Kenji, le
narrateur est un jeune homme de 20 ans, guide touristique illégal dans le
quartier chaud de Tokyo, Kabukichô qui, la nuit venue, regorge de sex-shops,
peep-shows, bars à hôtesses, salons de massage, etc.
Son nouveau
client, un Américain qui se prétend en voyage d’affaires, lui parait étrange
puis louche, enfin carrément dangereux. Kenji le soupçonne d’être l’auteur de
deux effroyables meurtres récents dans le quartier.
Miso Soup, c’est avant tout une féroce
critique de la société japonaise à laquelle Murakami reproche son consumérisme
frénétique qui incite des lycéennes à se prostituer pour s’acheter le dernier
gadget à la mode :
Tout en condamnant la corruption des
politiciens, ils indiquent où et comment acheter les meilleurs actions et biens
immobilier, et nous abreuvent de photos de crétins revêtus de ce qui se fait de
plus cher, dans des demeures somptueuses, ils nous montrent ça comme exemple de
la réussite d’un homme. Les enfants japonais sont soumis trois cent
soixante-cinq jours par an, et durant presque toute la journée, au même
traitement que le chat de laboratoire. En un mot, de vieux ringards passent
leur temps à leur dire : « De quoi vous plaignez-vous ? Nous avons
tout enduré, nous nous sommes nourris de rutabagas pour faire de ce pays un
pays riche où vous vivez bien nourris, sans manquer de rien. » Et les
vieux qui nous font ces beaux discours sont si écœurants à regarder qu’on ne
voudrait surtout pas devenir comme eux. Nous, on se dit toujours : « Si
on fait vraiment ce que vous dites, on va finir comme vous. » C’est une
vraie souffrance, ça. Et tous ces vieux s’en fichent parce qu’ils vont bientôt
crever mais nous, on va devoir vivre encore cinquante, soixante ans, dans ce
pays pourri.
Cette société
décadente génère l’individualisme, le cynisme et sécrète des tueurs en série
qu’elle rend encore plus féroces en faisant mine de les soigner.
Miso Soup, grâce une absence admirable
de manichéisme, propose une réflexion sur la moralité et les valeurs qui donne
le vertige et propulse l’œuvre à mille lieues de l’humanisme bon teint et du
politiquement correct. À propos de vertige, signalons une scène gore
insoutenable qui réserve ce roman aux lecteurs très avertis.
Globalement,
un roman très profond. Il m’est impossible d’en dire plus sans révéler
l’intrigue.
Laissons le
mot de la fin à l’auteur qui a écrit une postface instructive sur son état
d’esprit, lui l’auteur, et non pas le narrateur de l’histoire :
En écrivant ce roman, je me suis senti dans
la position de celui qui se voit confier le soin de traiter seul les ordures.
Une dégénérescence terrible est en cours, et elle ne contient pas la moindre
graine d’épanouissement. J’ai l’impression d’observer des organismes vivants en
train de mourir lentement à l’intérieur d’une pièce aseptisée. Tout cela
m’écœure déjà, mais je suis persuadé que, loin de s’arrêter, la décadence ne
fera que s’accélérer tandis que se renforceront des phénomènes d’ordre
réactionnaire et régressif.
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