mercredi 7 août 2013

Critique : Les sentinelles (BD) par Dorison et Breccia


Titre : Les sentinelles (volume 1)
Sous-titre : Chapitre premier : juillet-août 1914. Les moissons d’acier
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Éditeur : Robert Laffont
Date de parution : 2008
Genre : Fantastique & historique ou science-fiction & guerre ou BD de super-héros

Début des années 1910. L’armée française renonce à ses expériences de prototype de super-soldat : la technologie n’est pas au point et, aussi, les généraux sont trop cons. Été 1914 : les généraux sont toujours aussi cons, mais la technologie a évolué. Hélas ! Le scientifique pacifiste refuse de vendre son invention à l’armée. Sur ces entrefaites, la guerre éclate et notre idéaliste est grièvement blessé au front. Pour éviter la mort, il accepte de devenir Taillefer, la nouvelle sentinelle.

Entre parenthèses, ça me fait penser à la blague de Pierre Desproges qui cible la guerre d’après : « En 39, tout le monde savait que Gamelin était un con, sauf les militaires. C’est ce qu’on appelle un secret militaire. » C’est là qu’on se rend compte de l’infamie des Allemands de l’époque, l’un de leurs plus grands crimes de guerre : ils nous ont rendu Gamelin intact en 45, après avoir tué des millions d’autres humains… Fin de la parenthèse.

Cette bande dessinée reprend un thème devenu classique, l’homme bionique. Elle réussit cependant à traiter ce thème avec une grande originalité puisque l’action se passe en 1914. Il s’agit donc d’une sorte de science-fiction vintage, laquelle s’immerge, autre originalité passionnante, dans un récit historique de guerre ultra-réaliste.

Le scénario est vraiment époustouflant et très abouti. Les personnages possèdent une profondeur psychologique et évitent tout manichéisme. Un grand soin a été apporté aux recherches historiques et même à l’aspect scientifique : la manière dont les super-soldats sont façonnés est expliquée avec luxe de détails, sans que cela devienne barbant. Du grand art.

Le docteur qui fabrique les super-soldats et fait des expériences si cruelles sur les animaux, on hésite entre Mengele, Frankenstein et un patriote qui ne pense qu’à sauver son pays. Et Djibouti le vieux légionnaire au corps cassé, ancien cobaye volontaire du doc, ça le dégoûte de tuer des jeunes hommes allemands mais d’un autre côté, il kiffe de faire son mâle dominant. La guerre, c’est plein de dilemmes qui vous déchirent le cœur, mais sans elle, qu’est-ce qu’on s’emmerderait…

Le dessin est au diapason. Les couleurs, formidables, évoquent à la fois les BDs de super-héros et des images d’Épinal. Mais le plus frappant, ce sont les visages. Beaucoup de dessinateurs de BD et de manga sont experts dans cet exercice imposé. Mais Breccia les surpasse. Ces visages taillés à la serpe, on ne les oublie pas une fois l’album refermé. Il les dessine souvent montrant les dents. Ça leur donne un air féroce de carnivore, cruel, satanique même, mais énergique aussi.

À propos des couleurs, on s’aperçoit que chaque planche possède une couleur dominante. Ce procédé permet de donner une ambiance et un rythme à chaque scène. Il est d’autant plus remarquable qu’il est difficile de faire coïncider les couleurs dominantes avec chaque planche. C’est une contrainte qui donne corps au récit, comme les pieds et les rimes donnent corps à un poème. Cette BD est comme un poème graphique moderne.

Au total, une bande dessinée vraiment époustouflante. Trois volumes sont sortis. Le volume 2, c’est la bataille de la Marne. J’imagine le suspense de fou, parce que quand même, le sort de la France se joue entre les mains métalliques de Taillefer, ce super-héros à la française. Pour lecteurs avertis.




 

  

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