Titre : Les
sentinelles (volume 1)
Sous-titre :
Chapitre premier : juillet-août 1914. Les moissons d’acier
Scénariste :
Xavier Dorison
Dessinateur :
Enrique Breccia
Éditeur :
Robert Laffont
Date de
parution : 2008
Genre : Fantastique
& historique ou science-fiction & guerre ou BD de super-héros
Début des
années 1910. L’armée française renonce à ses expériences de prototype de
super-soldat : la technologie n’est pas au point et, aussi, les généraux
sont trop cons. Été 1914 : les généraux sont toujours aussi cons, mais la
technologie a évolué. Hélas ! Le scientifique pacifiste refuse de vendre
son invention à l’armée. Sur ces entrefaites, la guerre éclate et notre
idéaliste est grièvement blessé au front. Pour éviter la mort, il accepte de
devenir Taillefer, la nouvelle sentinelle.
Entre
parenthèses, ça me fait penser à la blague de Pierre Desproges qui cible la
guerre d’après : « En 39, tout le monde savait que Gamelin était
un con, sauf les militaires. C’est ce qu’on appelle un secret militaire. »
C’est là qu’on se rend compte de l’infamie des Allemands de l’époque, l’un de
leurs plus grands crimes de guerre : ils nous ont rendu Gamelin intact en 45,
après avoir tué des millions d’autres humains… Fin de la parenthèse.
Cette bande
dessinée reprend un thème devenu classique, l’homme bionique. Elle réussit
cependant à traiter ce thème avec une grande originalité puisque l’action se
passe en 1914. Il s’agit donc d’une sorte de science-fiction vintage, laquelle
s’immerge, autre originalité passionnante, dans un récit historique de guerre
ultra-réaliste.
Le scénario
est vraiment époustouflant et très abouti. Les personnages possèdent une
profondeur psychologique et évitent tout manichéisme. Un grand soin a été
apporté aux recherches historiques et même à l’aspect scientifique : la manière dont les super-soldats sont façonnés
est expliquée avec luxe de détails, sans que cela devienne barbant. Du grand
art.
Le docteur qui
fabrique les super-soldats et fait des expériences si cruelles sur les animaux,
on hésite entre Mengele, Frankenstein et un patriote qui ne pense qu’à sauver
son pays. Et Djibouti le vieux légionnaire au corps cassé, ancien cobaye
volontaire du doc, ça le dégoûte de tuer des jeunes hommes allemands mais d’un
autre côté, il kiffe de faire son mâle dominant. La guerre, c’est plein de
dilemmes qui vous déchirent le cœur, mais sans elle, qu’est-ce qu’on
s’emmerderait…
Le dessin est
au diapason. Les couleurs, formidables, évoquent à la fois les BDs de
super-héros et des images d’Épinal. Mais le plus frappant, ce sont les visages.
Beaucoup de dessinateurs de BD et de manga sont experts dans cet exercice
imposé. Mais Breccia les surpasse. Ces visages taillés à la serpe, on ne les
oublie pas une fois l’album refermé. Il les dessine souvent montrant les dents.
Ça leur donne un air féroce de carnivore, cruel, satanique même, mais énergique
aussi.
À propos des
couleurs, on s’aperçoit que chaque planche possède une couleur dominante. Ce
procédé permet de donner une ambiance et un rythme à chaque scène. Il est
d’autant plus remarquable qu’il est difficile de faire coïncider les couleurs
dominantes avec chaque planche. C’est une contrainte qui donne corps au récit,
comme les pieds et les rimes donnent corps à un poème. Cette BD est comme un
poème graphique moderne.
Au total, une
bande dessinée vraiment époustouflante. Trois volumes sont sortis. Le volume 2,
c’est la bataille de la Marne. J’imagine le suspense de fou, parce que quand
même, le sort de la France se joue entre les mains métalliques de Taillefer, ce
super-héros à la française. Pour lecteurs avertis.
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