mardi 17 avril 2012

Un jeune homme au cœur pur (2ème et dernière partie)

                    
            À cause du maire et de ma mère, incapables tous deux de passer l’éponge sur d’innocentes peccadilles imputables à un milieu social déshérité, Albert a été traqué par les gendarmes à travers bois. Comme la Force publique peut être vile quand elle s’en prend au pauvre, à l’opprimé ! Mais les forces du mal qu’avait déclenchées le vilain maire nanti se sont retournées contre lui.

            Pourchassé par les médisances, exagérations injustes et persécutions que je viens de te décrire, Albert s’est réfugié dans la propriété de son bourreau. C’est alors qu’un drame est survenu, fruit de l’oppression de l’infortuné calomnié. Il a été obligé, en état de légitime défense, pour sauver le dernier bien qui lui restait, sa liberté, de tuer le petit-fils du maire, âgé de 20 ans. Compte tenu des circonstances adverses et du grand péril dans lequel il était, tu conviendras avec moi, ma chère tante, que seuls des esprits étroits pourraient attribuer la responsabilité de cet accident au pauvre Albert.

            Ensuite, acculé comme un grand cerf majestueux mais blessé, juste avant l’hallali, Albert a réussi à trouver en lui la ressource de se défendre. Quel courage ! Quelle opiniâtreté ! À regret, il a été forcé de prendre en otage le maire et sa femme, tous deux âgés de 70 ans.

            Comme les gendarmes, obtus comme seule leur profession répressive en est capable, refusaient de le laisser partir, il a été contraint par la bêtise et l’ignoble acharnement des hommes, de faire un exemple en égorgeant la vieille qui lui avait d’ailleurs porté sur les nerfs, étant en crise d’hystérie depuis le début de la prise d’otage.

            C’est à ce moment que le vieil excentrique de maire, avec un manque choquant de maîtrise de soi pour un homme de son expérience, a perdu complètement les pédales. À son corps défendant, et sa bienveillance naturelle lui interdisant tout sentiment de rancune vis-à-vis de son bourreau, Albert a été obligé de l’assommer. Depuis toutes ces années, le vieux débris est dans le coma, sans espoir d’en sortir selon les médecins. C’est regrettable car il n’a pas pu assister aux funérailles de sa femme et de son petit-fils.

            Je suis persuadée, ma chère tante, qu’à ce point du tragique récit, tu dois être toute bouleversée des malheurs du pauvre Albert. Eh bien, rassure-toi ! Albert respirait la bonté, aussi Dieu était avec lui. Il a réussi à s’enfuir dans la confusion.

            Tu seras surprise d’apprendre, qu’au lieu de tenter d’oublier ces péripéties pénibles, ces brutes de gendarmes revanchards l’ont cherché par tout le pays. Heureusement, il est parti avec le magot de ce cupide de maire, qui n’en avait plus besoin, dans son état. Donc tout est bien qui finit bien.



On n’a jamais revu le bel Albert. Tous les jours, je guette le retour de l’amour de ma vie. Je sais qu’il reviendra me chercher, mon Albert, quand il aura vaincu son tragique destin, tel le héros Ulysse. En attendant, j’élève notre enfant dans le culte de son père. Je prie Dieu chaque jour pour que notre fils de dix ans marche sur les traces de son courageux père.

J’espère, ma chère tante, t’avoir convaincue de la médisance des gens du village et de la pureté du cœur d’Albert.
 

Ta nièce Lolita qui t’aime fort.


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1 commentaire:

  1. Ah, ah, merci de ce morceau de choix ! Se servir d'une Lolita peinte sciemment fort naïve pour démonter les engrenages qui conduisent au pire.
    J'aime beaucoup, merci de m'avoir fait découvrir ton site. Je ne promets pas des visites soutenues, étant assez débordée par ipagination, mais je viendrai faire un tour de temps en temps !

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