Son estomac se
révulse à l’idée de consommer encore et toujours d’insipides végétaux qui
sustentent mais ne délectent pas. Son ventre réclame la chair qui apaise, le
sang qui fortifie, la graisse animale qui rassasie.
Comme par
provocation, une biche apparaît dans les frondaisons. Guère habitué à craindre
l’homme, le bel animal s’arrête et observe l’humaine avec curiosité. Son doux
regard tendre et lumineux, ses gracieuses et malicieuses oreilles, loin
d’attendrir la femme, lui déclenchent plutôt un appétit féroce… Alors, prise
d’une impulsion subite et irrépressible, Alba se saisit d’une longue branche de
chêne dont elle fabrique prestement une sagaie à l’aide du biface que Fatalis
lui a laissé. Elle durcit sommairement la pointe au feu. Vite, la sagaie dans
une main et le couteau dans l’autre, elle se lance sur les traces de la trop
curieuse femelle cervidé. Sans peine, après une brève course, la chasseresse
improvisée mais expérimentée rejoint sa proie. Celle-ci se retourne et lui
lance un regard surpris et abrité de ses cils graciles. Mais ce n’est plus le
cœur qui commande le corps d’Alba, c’est le ventre !
Sans hésiter
mais avec fébrilité, elle lance sa sagaie de toutes ses forces. La pointe
pénètre dans l’épaule de l’animal. La chasseresse a visé juste : l’épaule
permet d’atteindre les organes vitaux, le cœur et les poumons. Pourtant
l’animal s’enfuit dans les fourrés avec un cri de souffrance. Soit le jet a
manqué de puissance, soit la sagaie confectionnée en grande hâte avait une
piètre pointe. Alba course sa proie.
Alors, devant
elle, surgit un cerf adulte. Ayant croisé sa femelle peureuse, boiteuse,
hurlante et sanguinolente, il est en grande fureur homicide… Il charge, tentant
d’éventrer de sa ramure majestueuse et périlleuse l’intruse. Cependant la bête
verticale est agile. Elle plonge derrière l’abri éphémère d’un tronc salutaire.
Le couteau de silex entre les dents, elle grimpe prestement à l’arbre. Le cerf
brame, se cabre, frappe le sol du sabot tel un taureau farouche et terrible. Il
quitte la femme des yeux un instant pour tenter d’apercevoir sa femelle
endolorie. Aussitôt, mue par un instinct ancestral qui lui inspire que la
meilleure défense réside dans l’attaque, Alba se jette à califourchon sur la
croupe du cerf. Du bras gauche, elle se cramponne à l’encolure du grand mâle
mêlé de surprise et de fureur atroce, et du bras droit elle lui poignarde la
gorge à plusieurs reprises. Elle frappe et frappe encore en hurlant sa tension,
son triomphe, son soulagement tandis que le liquide rouge de la vie s’enfuit du
grand cerf vaincu.
En hommage au plus grand romancier sur la
préhistoire, J.H Rosny aîné (1856-1940), l’auteur de La Guerre du feu.
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