D’après une histoire vraie
Plus de
budget ! Le maire avait tout dépensé, fidèle à la doctrine des emplois
assistés. Il avait gaspillé des fortunes en eau potable pour laver, relaver,
délaver les trottoirs afin de secouer l’oisiveté de ses cohortes pléthoriques
de fonctionnaires municipaux. Il avait fait installer des feux rouges à chaque
coin de ruelle. Par contre, comme il n’était pas sot, il n’avait pas augmenté
le nombre de policiers municipaux destinés à mettre des PV aux voitures mal
garées. Surtout pas pendant l’année électorale !
Au fond de
lui, le maire sentait bien que cette politique passéiste conduisait la France
vers le sud, vers la Grèce. Keynes avait affirmé qu’il valait mieux payer un
chômeur à creuser un trou et le reboucher que de ne rien faire. Très juste
quand la dette publique le permet. Or on la creusait, elle aussi, sans jamais
la reboucher. On essayait juste de la creuser un peu moins vite, on appelait ça
les efforts budgétaires. Alors
forcément le coût du travail augmentait pour résorber les déficits, donc le
chômage explosait. Et de nouveaux trous apparaissaient.
Soudain, le
maire eut une idée inouïe chez un élu : et si la plupart des mesures que
les politiciens prenaient n’allaient pas justement à l’encontre de l’effet
recherché ? Vite, il chassa cette pensée audacieuse et déprimante. Le
maire n’était pas sot, certes, mais comme ses collègues politiciens, il n’aimait
pas l’innovation. À la manière des Égyptiens Anciens, grande civilisation qui
déclina parce qu’elle perpétuait les recettes du passé qui ne s’appliquaient
plus au temps présent.
Au cours d’une
réunion de quartier, il avait été pris à partie par des parents d’élèves qui
exigeaient un auxiliaire de circulation pour permettre aux enfants de traverser
en toute sécurité le passage piéton devant l’école. Comme il répondait que ce
passage ne présentait pas de risque particulier, ils invoquèrent le principe de
précaution, insistèrent, trépignèrent. Ils étaient venus en nombre. Aussi, il
aurait bien voulu les satisfaire, surtout pendant l’année électorale.
Que
faire ? Augmenter les impôts locaux ? Pas durant l’année électorale.
Détourner des fonds ? Il réservait cette pratique à son enrichissement
personnel. Indécis, il lut une circulaire ministérielle qui venait d’arriver :
le gouvernement débloquait, oui, débloquait des crédits pour une nouvelle vague
d’emplois aidés, grâce à un énième Très Très Grand Emprunt. Emballez, c’est
pesé !
Depuis
plusieurs semaines, Kevin, neuf ans, traverse en confiance le passage piéton à
la sortie de l’école, grâce à la gentille dame en orange qui arrête les
voitures. Il ne regarde même pas avant de traverser : il se sent en sécurité.
Aujourd’hui,
la dame n’est pas là. Mais Kevin traverse les yeux fermés, comme d’habitude. Il
pleut. La voiture pile.
Demain,
l’employé municipal ne creusera pas un trou en vain.
Vous aimerez
peut-être :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire