Enfin !
Il entendit et sentit la taupe s’approcher. Sa patience allait être
récompensée : cela faisait un bon moment qu’il se tenait à l’affût devant le
petit trou, à proximité de l’allée principale. Hélas ! Un bruit familier
mais effrayant quand même le fit déguerpir. Un gros véhicule suivi de deux
bipèdes arrivait. Ils n’étaient pas vraiment dangereux, mais malgré tout leur
gigantisme l’effrayait.
Le fossoyeur
l’avait installé dans ce cimetière communal pour lutter contre les mulots qui
pullulaient et les taupes qui creusaient entre les tombes. Aussi il ne le
nourrissait jamais et interdisait aux visiteurs de le faire. Le chat se sentait
bien sur son territoire. Il avait trois grandes préoccupations dans sa vie. Dormir :
un vrai bonheur, dans cet endroit calme, malgré les bruits lointains des
voitures. Manger : les taupes étaient difficiles à attraper, mais il
chassait aussi les mulots et les petits oiseaux, parfois une friandise, un
lézard. Même un écureuil une fois. Le chat adorait les arbres du cimetière.
Il subsistait cependant
un point noir concernant sa troisième fonction vitale. La solitude. Les géants
ne l’intéressaient pas : ils ne le nourrissaient pas et gâchaient sa
chasse. Ses congénères ne lui manquaient pas : le chat est un animal
individualiste. Par contre, il aurait aimé forniquer. Il n’osait pas sortir du cimetière
par crainte des voitures. Et puis il devait défendre son territoire.
La grand-mère
pleurait en suivant le corbillard. Son petit-fils marchait à ses côtés en
tenant un chat dans ses bras.
— J’aime
pas te voir si triste, mamie. Regarde, j’ai amené Chipie pour te consoler. Elle
a beaucoup gigoté au début, mais elle s’est calmée en arrivant au
cimetière : elle partage ton chagrin.
— Laisse-la
donc gambader.
L’enfant
déposa le bel animal à terre ; Chipie s’éloigna aussitôt entre les tombes.
— Elle
rend visite aux morts, dit-il. Un chat, c’est mieux que des fleurs pour leur
tenir compagnie. Oh, regarde ! Un autre chat est en train de grimper
sur Chipie. Mais pourquoi tu pleures plus ?
— Parce
que le désir est l’antidote de la mort.
© Lordius 2013
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