Date de
parution : 1845
Genre : essai
philosophique sur la nature humaine
Max Stirner
fut un philosophe berlinois de la première moitié du XIXème siècle. Son ouvrage
majeur, L’Unique et sa propriété a dès
sa parution provoqué des débats houleux. Il a influencé de nombreux penseurs
dont Marx, Albert Camus et bien d’autres. Il fait partie des ouvrages
fondateurs de l’anarchisme individualiste. Il aurait eu aussi une influence sur
le nihilisme de Nietzche et sur l’existentialisme.
Dans la
première partie, Stirner nous fait prendre conscience des chaînes qui
emprisonnent l’esprit humain. Ces entraves sont les idées, les concepts, les
idéaux qui aliènent l’individu depuis l’aube des temps.
D’abord il y
eut les dieux puis Dieu, dont le joug fut écrasant (dogmes, concept de péché
donc de culpabilité, pratiques religieuses, etc…). Depuis la période moderne
(en Occident, s’entend), d’autres idéologies nous aliènent : patriotisme,
communisme, étatisme, humanisme…
Stirner émet
une idée intéressante : la religion classique a été progressivement
remplacée par celle de l’Homme, de l’humanité : « La religion de l'humanité
n'est que la dernière métamorphose de la religion chrétienne ». L’Esprit
Saint ne se trouve en pratique que dans les humains, les seuls à posséder un
esprit. Cela explique pourquoi les mœurs sont de plus en plus clémentes depuis
l’Antiquité, l’esclavage a disparu et la peine de mort recule : il est
péché d’asservir ou de tuer les représentants du dieu humanité.
Stirner refuse
la sacralisation de ces idées, rejette tout ce qui prétend se situer au-dessus
de l’individu. Ce sont les hommes qui ont créé ces idées. Elles ne lui sont
donc pas supérieures. Pourtant, elles se sont détachées de leur créateur qui les
a placées à tort au-dessus de lui.
Dans la
seconde partie, Stirner nous éclaire sur la nature profonde de l’individu.
C’est l’égoïsme. Les humains sont tous mus par leur intérêt propre. Les
altruistes ne sont que des égoïstes qui cherchent leur satisfaction dans celle
des autres. Stirner s’emploie à transformer ce terme d’ordinaire péjoratif en
quelque de sain et surtout de naturel : c’est ainsi que nous sommes.
Mais égoïste
ne signifie pas isolé ni nuisant aux autres. En fait, les humains s’allient
souvent en associations d’égoïstes
pourvu que chacun y trouve son compte.
Cet égoïsme
revendiqué et assumé se base aussi sur la notion d’unicité de l’individu, qu’il
nomme l’Unique. L'Unique est souverain, il ne s'aliène à aucune personne, ni
aucune idée, et considère l'ensemble du monde comme sa propriété dans le sens
où il s'approprie tout ce que son pouvoir lui permet de s'approprier.
Un ouvrage
majeur, très en avance sur son temps et sur le nôtre. Nous ne sommes pas prêts
de briser nos chaînes ni d’accepter notre vraie nature. Stirner aide à faire un
pas sur le long chemin de l’Unique vers la liberté.
Quelques
citations classées par thème :
Sur le
sacré :
« Aucune
pensée n'est sacrée, car nulle pensée n'est une ‘dévotion’ ; aucun sentiment
n'est sacré (il n'y a pas de sentiment sacré de l'amitié, de saint amour
maternel, etc.), aucune foi n'est sacrée. Pensées, sentiments, croyances sont
révocables et sont ma propriété, propriété précaire que Moi-même je détruis
comme c'est Moi qui la crée. »
Sur
l’État :
« Ce sont
mes tyrans État, Religion ou conscience qui sont libres, et leur liberté fait
mon esclavage. Il va de soi qu'ils mettent en pratique, pour me réduire, le
proverbe ‘la fin justifie les moyens’. Si le bien de l'État est le but, le
moyen d'y pourvoir, la guerre, se trouve sanctifié ; si la justice est le but
de l'État, le meurtre comme moyen devient légitime et porte le nom sacré
d'’exécution’, etc. La sainteté de l'État déteint sur tout ce qui lui est
utile. »
« La
domination de l'État ne diffère pas de celle de l'Eglise : l'une s'appuie sur
la piété, l'autre sur la moralité. »
Sur
l’Unique :
« J'aime
Moi aussi les hommes, non seulement les individus mais chacun. Mais je les aime
avec la conscience de l'égoïsme : parce que les aimer Me rend heureux et
qu'aimer M'est naturel, parce que cela Me plaît et je ne connais pas de ‘commandement
de l'amour’ ».
« Sans doute
ai-je des ressemblances avec les autres, mais elles n'ont de valeur que pour la
comparaison et la réflexion: en fait, je suis incomparable et unique. Ma chair
n'est pas leur chair, mon esprit pas leur esprit. »
Sur l’amour
(s’adressant à sa partenaire amoureuse) :
« J'ai
découvert en toi le don d'ensoleiller et d'égayer ma vie, et j'ai fait de toi
ma compagne. Il se pourrait aussi que j'étudiasse dans le sel la
cristallisation, dans le poisson l'animalité, et chez toi l'humanité, mais tu
n'es jamais à mes yeux que ce que tu es pour moi, c'est-à-dire mon objet, et en
tant que mon objet, tu es ma propriété. »
Et le bouquet
final, sur la continuité de la religion :
« La
crainte de Dieu proprement dite est, depuis longtemps ébranlée, et un ‘athéisme’
plus ou moins conscient, reconnaissable extérieurement à un abandon général du
culte, est devenu involontairement la note dominante. Mais on a reporté sur
l'Homme ce qu'on a pris à Dieu, et la puissance de l'Humanité s'est accrue de
ce que la piété a perdu en importance : ‘l'Homme’ est le Dieu actuel, et la
crainte de l'Homme a remplacé l'ancienne crainte de Dieu. Mais comme l'homme ne
représente qu'un autre être suprême, l'être suprême n'a fait que se
métamorphoser, et la crainte de l'Homme n'est qu'une autre forme de la crainte
de Dieu. Nos athées sont de pieuses
gens. »
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artistique et folie)
Oui, d'accord avec tout ce que vous dites. Dommage que Stirner ne soit pas plus connu, plus lu, car ses thèses se confirment aujourd'hui.
RépondreSupprimerBon, si on pousse la logique à fond, on en arrive à une idée difficile à mettre en application. Cette idée, cet individualisme (ou égoïsme) en question, revient à dire : le maître parle de tous à tous. Comment échapper à cette position de maître alors que l'on ne cesse de se référer au collectif ?
D'une autre façon, avec d'autres buts, Sade a aussi poussé l'idée d'égoïsme aussi loin que possible.
On s'amuse : http://planetdsaintje.unblog.fr
Je n'ai pas tout saisi mais merci de votre passage.
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