mercredi 30 janvier 2013

Books, le magazine : des idées iconoclastes


Livres et idées du monde entier, s’intitule cette revue mensuelle en langue française. Et en effet, par l’analyse d’ouvrages divers, elle propose des idées souvent iconoclastes qui permettent de s’extirper de la pensée unique que nous servent les politiciens et les médias souvent à la botte des premiers. Voici quelques idées fortes tirées du numéro d’avril 2012.

Commençons par un pavé dans la mare. Plusieurs spécialistes courageux osent démontrer que l’humanitaire fait plus de mal que de bien, sauf pour la conscience des acteurs de l’humanitaire. Dès le XIXe siècle, la Croix Rouge était critiquée : soigner les blessés des guerres, c’est prolonger ces guerres en délestant l’État belligérant d’une de ses tâches. De nos jours, les belligérants multiplient parfois les atrocités contre l’adversaire afin de faire intervenir l’aide internationale, dont ils profitent. L’humanitaire a parfois fourni l’infrastructure nécessaire au nettoyage ethnique. La place manque ici pour développer les arguments de l’article, mais à la question « vaut-il mieux ne rien faire ? », en un mot la réponse est oui. Difficile à accepter, car nous souffrons tous de dissonance cognitive, ce travers qui consiste à rejeter les faits et les idées susceptibles de nous déranger.

L’accident de Fukushima plaide en faveur du nucléaire : au sud de la centrale endommagée, se trouve une autre nommée Fukushima Daini. Celle-ci a très bien résisté au tsunami, car de construction plus récente. Elle montre que les dernières technologies du nucléaire nippon sont sûres.

« Le régime politique le plus inhumain est celui qui décide quel doit être le bien de l’Homme, et l’impose à tous », selon Rithy Panh qui s’est penché sur la mécanique du génocide khmer rouge. À méditer par l’État français qui prétend nous interdire de boire, fumer, conduire vite, mettre fin aux souffrances des moribonds, utiliser des pétards, porter la burqa, etc.

Un très bel article aussi sur Cesare Pavese, grand romancier et poète italien de la première moitié du XXe siècle. Philosophe mélancolique, il nous laisse des aphorismes magnifiques dont voici quelques échantillons :

La grande tâche de la vie, c’est de se justifier. Se justifier, c’est célébrer un rite. Toujours.
L’art de vivre, c’est l’art de savoir croire aux mensonges.
C’est beau d’écrire parce que cela réunit les deux joies : parler tout seul et parler à une foule. 

Globalement, voici un magazine très fort en idées de toutes sortes qui nous invitent à sortir des sentiers battus et rebattus.


 
 

Vous aimerez peut-être :

 

mercredi 23 janvier 2013

Critique : Les ailes de plomb (bande dessinée)


Scénario, couleurs, avions : Christophe Gibelin
Dessins : Nicolas Barral
Éditeur : Delcourt
Date de parution : 1996
Nombre de tomes : 3
Genre : Thriller action saupoudré d’un zeste de politique

 En 1958 en France, un ministre prépare un détournement d’avion en vol par télécommande, à des fins politiques. Les malfaiteurs qui ont acheté la précieuse télécommande se la font voler par une jeune femme. Très énervés, ils la pourchassent. Elle se réfugie dans un hôtel tenu par la mère du héros. Ça chauffe drôlement quand le malfrat débarque pour récupérer son bien, d’autant qu’il a lui-même aux fesses les commanditaires de l’attentat, le vol de l’avion très spécial étant imminent.

On visite avec plaisir la France de la fin des années cinquante, traumatisée par la fin de l’ère coloniale, la guerre d’Algérie, le retour imminent de de Gaulle, avant sa fuite courageuse en Allemagne (mais là, j’anticipe de dix ans).

La subtilité de la psychologie des personnages est remarquable. Pas de manichéisme, chacun a ses raisons d’agir : on est tous le salaud ou l’emmerdeur de quelqu’un d’autre.

Voilà une bande dessinée comme on aimerait en lire plus souvent : une intrigue béton, des personnages vivants et attachants, des dialogues croustillants, un dessin et des couleurs qui transcendent le tout. Le top de la BD européenne, un classique du genre.

La première série comporte trois volumes de qualité exceptionnelle. Je conseille de s’arrêter à cette trilogie. Les tomes suivants se font sans le dessinateur Nicolas Barral, et sans inspiration. On sent que Gibelin a voulu continuer seul coûte que coûte.

 



Vous aimerez peut-être :

mercredi 16 janvier 2013

Critique de : Suzanne et les ringards, par Jean-Bernard Pouy


Jean-Bernard Pouy fait partie des maîtres du néo-polar, dont ce très court roman paru en 1985 constitue un classique. 35 000 mots seulement environ, le texte se situe en fait entre la nouvelle et le roman. Les anglophones utilisent le terme novella.

Elle, racontée à la troisième personne, est une actrice, une star, même. Elle se retrouve en cavale, en galère et en chagrin : son amour de producteur vient d’être assassiné et elle craint pour sa vie.

Lui, narrateur à la première personne, se révèle un anarchiste gauchiste très violent. Un marginal, rejeté à cause de la tache de naissance qui le défigure et en raison de son passé trouble de taulard. Il constitue le service d’ordre d’un groupe de rock en tournée en France. Une groupie nommée Suzanne se fait assassiner. La police, comme souvent, n’est bonne à rien, mais alors à un point caricatural. Donc notre costaud révolté, qui en pinçait pour la jeune Suzanne, enquête auprès de la petite troupe pour dénicher le coupable.

Elle et lui, leurs chemins vont se croiser. Ça va faire des étincelles.

L’intrigue est faible : j’ai deviné l’identité de l’assassin 80 pages avant la fin. Fâcheux pour un polar, même néo. L’intérêt du livre réside ailleurs : les monologues intérieurs et le style brillant créent une ambiance prenante et invitent à la réflexion. Le genre se situe donc plutôt vers le rayon de la littérature générale.

Conclusion : si vous cherchez une intrigue à suspense, passez votre chemin. Si vous aimez les romans bien écrits, psychologiques, avec un zeste de philosophie, alors foncez !

 


Vous aimerez peut-être :


mercredi 9 janvier 2013

Critique : Les rois du crime, d’Alexandre Bonny


Sous-Titre : Le grand banditisme français
Éditeur : Éditions First
Date de parution : 2009
Genre : Essai journalistique 

Alexandre Bonny nous raconte d’une façon vivante et romancée la vie et la mort d’une brochette de grands criminels français : Émile Buisson, les frères Guérini, Pierrot le fou, René la canne, François Marcantoni, Albert Spaggiari, Tany Zampa, Jacques Mesrine, Francis Vanverberghe, le gang des Lyonnais, le gang des postiches, Michel Crutel, Pascal Payet, le clan Hornec, Antonio Ferrara.

Ce qui est passionnant, c’est qu’il est possible de dégager un certain nombre de points communs à ces grands criminels. Même si bien sûr il y a de nombreuses exceptions, on peut tracer une sorte de portrait-robot comportemental et sociétal du criminel doué.

Le criminel nait souvent dans un milieu social très défavorisé. Très tôt, il se lance dans des menus larcins, connait la prison pour de courtes peines. Loin d’être rédemptrice, la prison lui permet de se faire des contacts au sein de la pègre, et l’encourage en fait sur la voie du crime.

Le métier de base du grand criminel est le braquage. C’est souvent dans cette activité qu’il se fait un nom et bâtit sa fortune. Attaque à main armée de banque, poste, usine, fourgon, bijouterie, enlèvement, cambriolage, saucissonnage. Activité lucrative mais risquée. Elle a l’inconvénient d’attirer l’attention de la police. D’où cavale, parfois sans quitter la région, car avec du cash, on se planque facilement.

Ensuite, le grand criminel a deux voies possibles.

S’il est gestionnaire, comme la mafia italienne, arménienne ou américaine, il investit son capital et fait tourner son business comme un chef d’entreprise. Il a alors pignon sur rue, travaille avec des avocats et jouit du soutien de politiciens corrompus comme Jacques Médecin à Nice et Gaston Deferre à Marseille. Il prend des participations dans des discothèques, bars, machines à sous, casinos, prostitution, etc. Il lui arrive de toucher aux trafics en tous genres : armes, drogue, êtres humains. Il tombe en général quand le politicien le lâche sous la pression de l’opinion publique, après de longues années d’impunité. Ou bien il se fait prendre pour une broutille, genre fraude fiscale (comme Al Capone).

Deuxième voie : s’il est accro à l’adrénaline, il ne cesse d’enchainer braquages et cavales pendant lesquelles il claque son fric. Il sait qu’il devrait décrocher, mais il n’y arrive pas, grisé par sa puissance, la gloire. Toujours il revient en France et remet ça. Même s’il est richissime. L’argent n’est pas la seule motivation. Il tombe rarement en flagrant délit. Il sait bien qu’il va se faire prendre, mais impossible de décrocher. Un jour, il se fait dénoncer par des comparses. C’est la pègre qui fait tomber la pègre. Mais un truand isolé ne pourrait pas refourguer sa marchandise, et il faut souvent s’associer à plusieurs pour monter un coup. Ou bien il se fait tuer lors d’un règlement de compte entre bandes pour le contrôle d’un territoire.

Le grand criminel ridiculise la police, parfois pendant de longues années comme le gang des postiches et celui des Lyonnais. Malgré des moyens gigantesques, la police n’arrive à rien ou presque à cause de la corruption, des lois et de la ruse des malfrats. À noter que la corruption touche toutes les couches de l’État : police, administration pénitentiaire, justice, et bien sûr, les parrains étatiques que sont certains députés-maires.

Et la justice ? Encore plus grotesque que la police. C’est simple : la condamnation d’un malfrat est parfaitement aléatoire. Certains sont accusés pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, d’autres sont blanchis pour ceux qu’ils ont perpétrés. En fonction de l’incompétence du juge, le petit malfrat peut prendre perpétuité, le grand criminel bénéficier d’un non-lieu. La justice française, c’est la loterie du diable.

 

 

Vous aimerez peut-être :


mercredi 2 janvier 2013

Critique : La police


Titre : La police
Collection : La grande imagerie
Auteur : Christine Sagnier
Éditeur : Fleurus
Date de parution : 2008
Genre : Livre de référence 

Une fois n’est pas coutume, penchons-nous sur un ouvrage de référence remarquable.

La police ! Qui ne s’est jamais intéressé à cette corporation si médiatique ? Les garçons veulent devenir enquêteur ou rejoindre une force spéciale d’intervention. Au détour de la si abondante production littéraire, télévisuelle et cinématographe, les adultes s’interrogent sur la réalité du métier de policier. Fascinante ou dégoutante, rassurante ou oppressive, brillante ou lamentable, la police ne laisse personne indifférent, finalement.

C’est le point fort de cet ouvrage fameux que d’être vraiment accessible à tous. Destiné d’abord aux enfants, il apprendra aussi beaucoup aux adultes, grâce à sa pédagogie, son remarquable esprit de synthèse et ses illustrations qui valent tout plein de mots. Court, didactique, allant à l’essentiel sans bâcler le sujet, cet ouvrage est celui qu’il faut lire sur le sujet si on ne doit en lire qu’un. J’ai compulsé plusieurs livres pour adultes sur la police : abscons, longs, rasoirs, souvent dénués d’intérêt.

Ce n’est pas la première fois que je m’aperçois que les ouvrages pour la jeunesse sont d’une qualité bien supérieure aux livres pour adultes. Dans le domaine de la préhistoire, le souci est le même, et peut-être encore pire. Quand on cherche à se renseigner sur un sujet, il est bon de commencer par investiguer au rayon jeunesse, tout public.

Au menu du livre de Christine Sagnier, l’historique de la police, ses différents métiers au quotidien, armes et équipements, la police scientifique, et enfin comment l’enquête est menée sur le terrain.

En seulement 26 pages illustrées à merveille, en moins d’une heure, on referme le livre en ayant le sentiment d’avoir vraiment appris quelque chose. Le meilleur rapport connaissance / temps imaginable !

 

Vous aimerez peut-être :