mercredi 9 janvier 2013

Critique : Les rois du crime, d’Alexandre Bonny


Sous-Titre : Le grand banditisme français
Éditeur : Éditions First
Date de parution : 2009
Genre : Essai journalistique 

Alexandre Bonny nous raconte d’une façon vivante et romancée la vie et la mort d’une brochette de grands criminels français : Émile Buisson, les frères Guérini, Pierrot le fou, René la canne, François Marcantoni, Albert Spaggiari, Tany Zampa, Jacques Mesrine, Francis Vanverberghe, le gang des Lyonnais, le gang des postiches, Michel Crutel, Pascal Payet, le clan Hornec, Antonio Ferrara.

Ce qui est passionnant, c’est qu’il est possible de dégager un certain nombre de points communs à ces grands criminels. Même si bien sûr il y a de nombreuses exceptions, on peut tracer une sorte de portrait-robot comportemental et sociétal du criminel doué.

Le criminel nait souvent dans un milieu social très défavorisé. Très tôt, il se lance dans des menus larcins, connait la prison pour de courtes peines. Loin d’être rédemptrice, la prison lui permet de se faire des contacts au sein de la pègre, et l’encourage en fait sur la voie du crime.

Le métier de base du grand criminel est le braquage. C’est souvent dans cette activité qu’il se fait un nom et bâtit sa fortune. Attaque à main armée de banque, poste, usine, fourgon, bijouterie, enlèvement, cambriolage, saucissonnage. Activité lucrative mais risquée. Elle a l’inconvénient d’attirer l’attention de la police. D’où cavale, parfois sans quitter la région, car avec du cash, on se planque facilement.

Ensuite, le grand criminel a deux voies possibles.

S’il est gestionnaire, comme la mafia italienne, arménienne ou américaine, il investit son capital et fait tourner son business comme un chef d’entreprise. Il a alors pignon sur rue, travaille avec des avocats et jouit du soutien de politiciens corrompus comme Jacques Médecin à Nice et Gaston Deferre à Marseille. Il prend des participations dans des discothèques, bars, machines à sous, casinos, prostitution, etc. Il lui arrive de toucher aux trafics en tous genres : armes, drogue, êtres humains. Il tombe en général quand le politicien le lâche sous la pression de l’opinion publique, après de longues années d’impunité. Ou bien il se fait prendre pour une broutille, genre fraude fiscale (comme Al Capone).

Deuxième voie : s’il est accro à l’adrénaline, il ne cesse d’enchainer braquages et cavales pendant lesquelles il claque son fric. Il sait qu’il devrait décrocher, mais il n’y arrive pas, grisé par sa puissance, la gloire. Toujours il revient en France et remet ça. Même s’il est richissime. L’argent n’est pas la seule motivation. Il tombe rarement en flagrant délit. Il sait bien qu’il va se faire prendre, mais impossible de décrocher. Un jour, il se fait dénoncer par des comparses. C’est la pègre qui fait tomber la pègre. Mais un truand isolé ne pourrait pas refourguer sa marchandise, et il faut souvent s’associer à plusieurs pour monter un coup. Ou bien il se fait tuer lors d’un règlement de compte entre bandes pour le contrôle d’un territoire.

Le grand criminel ridiculise la police, parfois pendant de longues années comme le gang des postiches et celui des Lyonnais. Malgré des moyens gigantesques, la police n’arrive à rien ou presque à cause de la corruption, des lois et de la ruse des malfrats. À noter que la corruption touche toutes les couches de l’État : police, administration pénitentiaire, justice, et bien sûr, les parrains étatiques que sont certains députés-maires.

Et la justice ? Encore plus grotesque que la police. C’est simple : la condamnation d’un malfrat est parfaitement aléatoire. Certains sont accusés pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, d’autres sont blanchis pour ceux qu’ils ont perpétrés. En fonction de l’incompétence du juge, le petit malfrat peut prendre perpétuité, le grand criminel bénéficier d’un non-lieu. La justice française, c’est la loterie du diable.

 

 

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