Pacifico est
le premier roman du Comte Kerkadek publié au format numérique par les
dynamiques Éditions de
Londres.
L’histoire
loufoque est une suite de péripéties rocambolesques et surréalistes qui, en
comparaison, catapulte les pieds nickelés
dans la catégorie des œuvres d’introspection psychologique. Deux jeunes
Français exilés aux États-Unis (car la
recherche d’emploi en Royaume de France se situait à mi-chemin entre la flûte
de Pan station Glacière et la mendicité) travaillent dans une chaine de
fast-food. Or il vient à leurs oreilles que le fondateur de cette chaine, un
nain qui a disparu du jour au lendemain, détiendrait un manuscrit ésotérique
qui explique le sens de la vie.
Pacifico est
un roman drôlement noir, c’est-à-dire bourré d’humour (noir) et en même temps empreint
d’un pessimisme nihiliste (le pire est à crainte quant au sens de la vie),
certes réaliste mais dévorant. Pour paraphraser un chanteur, l’auteur joue de
la dérision comme d’un fusil de précision, voire parfois d’un lance-flamme qui
ne grille pas que les poulets du fast-food.
Voici une très
juste description de la France, pays d’origine du Comte, qui illustre le sens
de la métaphore de l’auteur :
Notre République aux institutions trop
grandes pour son corps, trop étriquées pour son âme, une sorte de pays médiocre
passé au régime Weight Watchers de l’Histoire mais sans un sou vaillant pour
refaire sa garde-robe oubliée sur des cintres comme des libertés à des crocs de
boucher.
L’Amérique,
terre d’aventure de nos antihéros, n’est pas en reste :
La bouffe américaine était à l’image de sa
classe moyenne : copieuse, gueularde et sans imagination. Elle était
égalitaire, économique, une bouffe rapide et efficace, sans préambules. Une
bouffe pornographique.
Le récit
fleure bon les idées libertaires :
Le dossard socialiste, c’était la meilleure
invention de la bourgeoisie pour ne rien changer à une société figée.
— Tous perpétuent la même oppression, dit
Léo, Bakounine appelle cela « la fiction liberticide du bien public représenté
par l’État », Hölderlin parle du pêché qui consiste à faire de l’État une école
des mœurs, et déplore que l’homme ait fait de l’État un enfer, à vouloir en
faire son paradis.
Mais comme
disait Céline, les idées, c’est pas le plus important. On en trouve des tonnes
dans l’Encyclopédie. Ce qui compte, c’est le style. Or notre aristocrate fait
preuve dans ce domaine d’une facilité qui tutoie la virtuosité. Il passe avec
fluidité de l’élan lyrique à la description poétique puis enchaine par une
logorrhée contrôlée. Contrôlée, car contrairement au jeune Spiderman qui
découvre ses balbutiants superpouvoirs, notre noble superhéros de la plume
acerbe sait tisser la toile capable de retenir le lecteur. Exemple :
On croisa des individus d’un autre âge,
enfants couverts de brûlures, cherchant l’éther dans des sacs, putains
décharnées, clochards analphabètes, des paquets de nerfs et de sang bercés par
une bise tuberculeuse, tourbillonnant dans un abysse noir à la rencontre des
monstres oubliés de la création, des créatures macrocéphales au sang
ammoniaqué, ramenés à la vie par des cauchemars nuit de poudre blanche.
On se régale à
la lecture de cette œuvre originale, burlesque et mélancolique à la fois,
sublimée par un style éblouissant.
Allez, je ne
résiste pas à une petite dernière :
J’ai connu une fille qui était si courte sur
pattes qu’elle faisait les pompiers sur une échelle.
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Encore une critique qui donne très envie de lire ce livre qui est dans la verve de Céline.
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