mercredi 19 octobre 2011

Les fables de Lordius : épisode 4 - La fuite en avant

1er épisode.

                        Tim déglutit péniblement. Il sent des gouttes de sueur perler à son front poilu, comme dans les mangas.
            — On pourrait… financer le programme par des impôts futurs… après les élections.
            — Bravo Tim ! Je savais que vous seriez à la hauteur du foutage de bouche que nous allons orchestrer !
            Les chimpanzés emploient le mot bouche plutôt que gueule qui est extrêmement grossier et possède de forts relents animaliers, indignes du raffinement de leur civilisation.
            — Mais… reprend Tim avec hésitation, ce sera une fuite en avant. Plus on creuse, plus ce sera difficile de reboucher.
            Arnack Aubasmot soupire. Il esquisse une geste d’agacement et cligne des yeux.
            — Tim, dit-il sur un ton professoral, pourquoi le président des Territoires-Unis est-il élu pour quatre ans ?
            — Pour gouverner au mieux des intérêts des Territoires-Unis.
            — Vrai à 75 %...
            — …
            — 75 % du temps. C’est exact les trois premières années du mandat : elles sont consacrées aux Territoires-Unis. La quatrième, elle est pour le président ! N’a-t-il pas le droit de penser un peu à lui dans ce monde ingrat ? C’est l’année où il travaille à sa réélection. Alors, ce n’est plus le bien du peuple sa priorité : il pense d’abord à sa bouche ! D’ailleurs en fin de mandat, il ne travaille même plus, il va discourir aux quatre coins des Territoires et serrer des mains, pendant la campagne présidentielle.
            — Je comprends, monsieur le Président. On pourrait carrément proposer un plan ubuesque : la relance par la baisse d’impôt. Ainsi, votre successeur devra les relever à fond dans les trois premières années de son mandat et se rendra impopulaire. Si c’est vous qui êtes réélu (sait-on jamais ?) peu importe la popularité puisque le président ne peut pas exercer plus de deux mandats…
            — Ah, Tim, Tim… Vous êtes mon meilleur collaborateur, même si la barre n’est pas placée haut… Vous savez savonner une planche, encore mieux que vos congénères, les autres singes politiques qui pourtant sont versés dans cet art ! Ah ! Autre chose, Tim. Vous vous rendrez sur le Continent Sénior et vous assisterez à la réunion de crise quotidienne sur la dette de la Désunion des Républiques Bananées.
            — Quoi ? Ce genre de réunion où ils pondent un communiqué pour dire qu’ils vont agir… en programmant une nouvelle réunion ?
            — Précisément. Vous critiquerez la légèreté de leur gestion de la crise de la dette.
            — Mais, ils vont me rétorquer de balayer devant mon antre !
            — C’est le petit roi Gringalus qui m’a demandé ce service. Une manœuvre destinée à les unir contre un ennemi commun et détourner le mécontentement légitime de leurs populations. Nous devons les aider. L’aveugle peut-il laisser tomber le paralytique ?


 

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