jeudi 8 décembre 2011

Critique : Être soldat en Afghanistan de S. Junger

Titre : Guerre - Être soldat en Afghanistan

Auteur : Sebastian Junger

Éditeur : Éditions de Fallois

Date de parution : 2010 pour l’édition originale en anglais, janvier 2011 en français

Genre : récit de guerre mâtiné d’un essai sur la psychologie des combattants


Le journaliste Sebastian Junger a suivi pendant plus d’un an, de 2007 à 2008, une compagnie de l’armée américaine déployée en Afghanistan. Mais attention ! Pas n’importe où ! Dans la vallée de Korengal où plus de 40 soldats US ont été tués et des centaines blessés. On ne compte pas les pertes civiles ni celles de l’Armée Nationale Afghane. Les médias à cette époque l’avaient baptisé « l’endroit le plus mortel de la planète ». L’ogre dévorait à lui seul 70 % des munitions et des bombes utilisées en Afgha par les US.

Les soldats restaient 15 mois, contre 6 pour les autres pays de la coalition. Ils opéraient à partir d’avant-postes qu’ils avaient bâtis eux-mêmes. Le confort était celui d’un bidonville : pas d’eau courante, rations de combat presque à chaque repas, mobilier quasi-inexistant, aucune distraction… Il leur arrivait de rester plus de 30 jours sans se doucher et sans changer de treillis.

Junger a partagé leur vie pendant de nombreux mois, armé de son seul caméscope. Il décrit leurs actions, les interroge, nous fait partager leurs aventures et leur ressenti. Leurs contradictions apparentes aussi. Quand ils se font tirer dessus, ils stressent, forcément. Mais quand il ne se passe rien, ils s’ennuient et souhaitent un engagement car ils sont devenus accros à l’adrénaline. Le retour à la vie civile est très difficile pour ces hommes qui souffrent souvent du stress post-traumatique du combattant.

Junger donne aussi son témoignage de journaliste en première ligne : ce qu’il ressent avant, pendant et après se faire tirer dessus et risquer sa vie. Mais sa démarche transcende le conflit d’Afghanistan. S’appuyant sur un grand nombre de références citées en annexe, comme dans un essai, il réfléchit avec profondeur sur les différents thèmes qui concernent les combattants de toutes les époques : l’héroïsme, la crainte de la mort, les séquelles psychologiques, les motivations, etc…

En 2008, juste avant que s’achève le reportage, une autre compagnie perd 9 hommes, la pire défaite US depuis Mogadiscio en 1993. C’est probablement ce qui a décidé les US à se retirer de la vallée de Korengal qui constitue pourtant un passage important de troupes et d’armes depuis la région pakistanaise sous contrôle taliban. Les US, malgré des moyens colossaux (notamment aériens) ne sont pas plus capables que les Pakistanais de contrôler cette région (la remarque est de moi, pas de Junger).

Mais les survivants de Korengal 2008 s’en moquent bien. Parmi les nombreux enseignements du livre, on apprend que la première motivation des combattants n’est pas l’idéalisme ni même la lutte pour la survie : c’est la solidarité avec le groupe.

Conclusion : cet ouvrage majeur dépasse le cadre du conflit actuel en Afghanistan, sujet qui finalement intéresse peu de gens, surtout en France.

Quelques photos de la mythique vallée de Korengal :






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